Une vie à l'envers

Kirimi75 Messages postés 3 Date d'inscription vendredi 4 avril 2014 Statut Membre Dernière intervention 4 avril 2014 - 4 avril 2014 à 20:24
ptiboy Messages postés 5967 Date d'inscription lundi 1 octobre 2007 Statut Membre Dernière intervention 24 février 2024 - 6 avril 2014 à 19:49
A 51ans, je partage une vie commune depuis maintenant 14 ans avec un homme aveugle complet, alors que je suis restée malvoyante après un accident de voiture.
Une trop courte expérience de la cécité due à un traumatisme crânien fait que nous nous sommes rencontrés sur Internet via le Site dédié au handicap visuel.
Petit à petit, pour ce qui me concerne, la récupération s'est faite avec bonheur et je pense revoir nettement mieux. Ce dont je ne vais évidemment pas me plaindre.
Ma propre vision, à défaut d'être "normale" (tous les voyants ont-ils la même perception de ce qui les entoure ?) me permet une autonomie suffisante pour évoluer de façon assez autonome dans le monde si visuel dans lequel nous vivons: Courses, lecture en noir (souvent tout de même à l'aide d'un scanner et écris encore beaucoup avec l'aide de Jaws 14...)
Sachant que ma vie n'a rien de commun sur le plan social, sensoriel et visuel évidemment que la sienne.
J'ose penser avoir un double fonctionnement, autant tactile et auditif que visuel. J'aime faire de la photographie, écrire ou essayer d'arranger notre univers: un petit espace de vie de 15m² avec cuisine et salle de bains (douche).
Notre union est très stable et parfaitement saine. Cependant, j'ai presque 52 ans (lui arrive à ses 69) et j'en arrive à un stade de fatigue difficile à expliquer du fait de cette union et de tout ce qu'il exige de moi. Je le fais évidemment tant par amour que loyauté, étant toujours été très fidèle à mes engagements.
Encore maintenant, j'ai encore beaucoup de mal à comprendre exactement son "fonctionnement".
Peu disert en la matière, ce n'est pas si simple de communiquer sur ses propres ressentis !
Il m'imagine sans chercher à aller plus loin, n'a aucune notion des difficultés de la vie de tous les jours. Ne fréquente personne dans un établissement tout de même et normalement conçu pour des déficients visuels.
Retraité, il vit "dans son monde", complètement isolé et à part.
Pour son équilibre, il côtoie à longueur de journée des amis aveugles via Skype, cela rend notre petit logement excessivement bruyant, le port du casque audio et le débit vocal montent parfois (pour avoir téléchargé sur une petite tablette -une liseuse Kindle où je peux à loisir augmenter et contrastes et taille des polices -, un détecteur sonore sous androïd cela varie d'un 40-60 décibels à 90 sinon davantage).
Cependant, pour ne pas exposer trop longuement le problème, il sort très peu de notre petit studio, attend de moi que les repas soient servis et participe très peu - sauf financièrement - à la vie du ménage.
Repas ou courses, shopping et le plaisir de rencontrer d'autres personnes semblent plus ou moins l'effrayer, à part des amis d'enfance aveugles.
Cela attrait certainement à un caractère qu'il aurait - j'en connais - pu avoir comme beaucoup.
Son monde à lui est très beau : s'il sort seul, les voyants l'aident très volontiers tant son aspect extérieur que sa gentillesse les y incitent. Pour lui donc tout semble très facile !
Que nous vivions dans un monde très individualiste où se côtoient la misère la plus effrayante et les richesses insolentes, la notion du "chacun pour soi" et l'indifférence qui tue tant de personnes chaque jour lui est étranger à un point incompréhensible.
Sa cécité est tout à fait irréversible.
En résumé, il a perdu la vue (double énucléation à 12 ans) et porte des prothèses.
Tout ce qui l'entoure est donc tactile ou auditif.
Intelligent et ouvert, il lit énormément, se passionne pour le jeu d'échecs, la musique qu'il pratique aussi en excellent amateur.
Curieux de tout il aime comme moi voyager et nous partons dès que possible.
Un récent voyage tous les deux à Florence pour quelques jours, ce n'est pas notre premier voyage et je vois pour nous deux, lui explique ce qui l'entoure avec plaisir.
Cette fois l'hôtel se trouvait à 20 minutes du centre-ville. Nous avons donc beaucoup marché (et me demandant de le tenir par la main et le guider, refusant l'usage de sa canne blanche) - je ne conduis évidemment plus de voiture - les taxis y étant très chers et le réseau bus un peu trop complexe.
A rajouter ce qui se pratique de plus en plus : les petits-déjeuners en self service, autrement dit, aller lui chercher ce qu'il souhaite. Pour résultat j'ai toujours mangé froid.
Il a réussit à m'épuiser au point que tout mouvement m'est pénible.
L'écoutant parler avec ses copains, j'en retiens qu'il tire davantage de petits souvenirs de monuments en 3D que ce que nous avons visités !
Difficile de lui faire comprendre que, pesant près de 115 kilos et moi 74, j'ai de grandes difficultés à le guider (il refuse à 100% la canne blanche puisque je peux le guider) ! Cela sur parfois toute une journée sinon davantage.
Je suis épileptique et encore en cours de stabilisation d'un traitement à la Salpêtrière, donc sans doute nettement plus vulnérable à la fatigue qu'autrefois.
Tout le séjour en Italie (4 en tout) s'est trouvé semé d'embûches complexes, la charge se fait presque insupportable et les gens n'aident jamais.
J'ai l'impression qu'il ne vit que sur de très anciens souvenirs de son état d'enfant malvoyant. Donc rejoint davantage le monde des aveugles de naissance que tardifs en bien des points.
Que pourriez-vous me conseiller si possible ? J'ai parlé longuement lors d'une hospitalisation en neurologie avec une psychologue. Elle l'a vu venir et repartir en exigeant que je le raccompagne à la navette pour rejoindre le métro. Il est venu quelques minutes en une semaine.
( Ma famille - surtout mes parents - se trouvant à plus de 800 km, ne se sont pas tellement occupés de savoir comment nous allions.)
En somme, elle pense qu'il devrait consulter au moins un psychologue voire même passer une semaine ou deux en réhabilitation pour handicapés visuels.
Son sens tactile diminue probablement à défaut de s'en servir, l'âge pouvant expliquer ce phénomène ... Il ne lit plus en braille que sur son afficheur.
Ayant appris moi-même le Braille, j'ai étiqueté tous nos pots de farine, sucre, sel, conserves etc.
Ainsi les reconnaît-il.
Un exemple qui me marque encore beaucoup : l'été dernier dans notre Résidence, une femme s'est suicidée par défenestration du 5ième étage. Les secours ont tenté la réanimer en vain durant plus d'une heure.
Cela s'est pratiquement déroulé sous nos fenêtres. Il a eu pour réaction de se mettre à son ordinateur et jouer avec ses copains comme si de rien n'était.
Pas une seule fois il s'est occupé de savoir mon ressenti !
Pire sans doute, lorsque j'essaie de lui en parler, cela l'irrite.
Que pourriez-vous me conseiller pour qu'il admette que quelque chose ne fonctionne pas chez-lui et qu'apparemment cela n'est probablement pas du qu'à son handicap ?
Pour ma part, je sature et commence à n'en plus pouvoir tout en tenant énormément à lui.
A qui pourrais-je m'adresser ?
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3 réponses

ptiboy Messages postés 5967 Date d'inscription lundi 1 octobre 2007 Statut Membre Dernière intervention 24 février 2024 142
4 avril 2014 à 20:55
bonjour

je pense que tu as un probléme de couple, on ne peut plus classique, il est égoiste, il vit dans son monde(comme tu le dis), ne s'occupe pas de toi, et ne veut pas se remettre en cause
ce n'est donc pas un probléme de mal voyants.

comme on ne peut pas changer les autres, contre leur gré, à toi de prendre tes résponsabilitées, sutout si ça dure depuis 14 ans
tu lui poses un ultimatum, soit il se remet en cause, soit tu le quittes!
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Kirimi75 Messages postés 3 Date d'inscription vendredi 4 avril 2014 Statut Membre Dernière intervention 4 avril 2014
4 avril 2014 à 21:14
Bonsoir,
Merci pour ta réponse qui n'est pas dénué de bon sens et j'y ai sérieusement pensé.
Poster ici répond à une recherche de réponses ou de soutien, d'en parler en somme.
Cela dit, je ne nous vois pas comme un couple "classique". L'égoïsme - à part son style de vie- ne le caractérise pas réellement.
J'ai divorcé pour lui et réciproquement, sans aide il ne s'en sortira pas seul parce qu'il n'a jamais fait l'effort sans doute de s'imaginer dans cette situation.
Une question purement de morale se pose donc.
Lui parler n'a abouti à rien pour le moment, il se dit heureux ainsi. Discuter sert peu. En terme d'ultimatum, comment simplement poser la question ?
Je l'ai quitté quelques fois, le retrouvant dans un état très proche de la détresse réelle.
Il s'occupe de moi (et beaucoup des autres) mais avec un handicap tel que l'on ne peut réellement pas s'imaginer la raison pour laquelle il vit à part du monde.
Un aveugle ne voit rien autour de lui (je le sais pour l'avoir vécu).
Matériellement nous essayons (et y arrivons) de ne manquer de presque rien. Affectivement les liens sont très forts. Reste la problématique.
Quitter quelqu'un pour moi en tous les cas ne se fait pas du jour au lendemain, sans compter que je n'ai pas de revenus suffisants pour vivre seule....
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ptiboy Messages postés 5967 Date d'inscription lundi 1 octobre 2007 Statut Membre Dernière intervention 24 février 2024 142
6 avril 2014 à 19:49
bonsoir

qu'aurrais tu décidé, si tu avait seule, des revenus confortables?

ne reste tu pas aussi avec lui, parce que tu as pitié?
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