Misèreuu ....Misèreuu !!

C'est l'histoire d'une petite commune des Deux-Sèvres désemparée. En l'espace de quelques mois, les trois généralistes du village sont partis. Une maison médicale à l'étude depuis quatre ans devrait pourtant voir le jour dans 18 mois...

"Ce qui nous arrive est injuste, comme si nous étions frappés par un cancer du poumon alors que nous n'avions jamais fumé". Joël Bourchenin, maire d'Arçais, commune de 650 habitants dans les Deux-Sèvres, est dépité. En quelques mois, les trois médecins du cabinet médical sont partis. "Le premier avait 60 ans. Il était en arrêt depuis un an, mais remplacé par une jeune femme médecin qui n'est pas encore thésée. Il y a peu de temps, il a été mis en invalidité. Il a donc été rayé du tableau par l'Ordre et ne peut plus se faire remplacer. La deuxième médecin d'une quarantaine d'année est partie pour des raisons personnelles. Enfin le troisième, âgé de 32 ans, est parti à cause des deux autres. C'est un très bon médecin. J'ai essayé de le retenir mais je n'ai pas pu. Il aurait eu à sa charge le secrétariat, le locatif et il aurait du gérer l'ensemble de la patientèle. Il a déclaré forfait" déplore le maire.

Stand by
Si Joël Bourchenin trouve la situation injuste, c'est parce qu'il travaille depuis quatre ans sur le projet d'une maison médicale qui devrait voir le jour dans 18 mois et qui devait inclure ces trois médecins. "Je m'y suis attelé dès le début de mon mandat de maire. A l'époque, j'avais compris la situation de précarité des généralistes. J'ai voulu préparer l'avenir. Avant le départ des trois médecins, le projet était particulièrement abouti" souligne-t-il.
Ce n'est pas vraiment l'avis du Dr Yannick Ruelle, dernier généraliste à avoir quitté le navire du cabinet médical. "Je me suis installé il y a deux ans et demi. J'étais très motivé par cette future maison de santé" confie le jeune médecin. Il déplore le fait que "depuis deux ans le projet de maison de santé était en stand by". Il a donc préféré tout abandonner le 29 juillet dernier après avoir...
eu l'opportunité de travailler comme médecin salarié en région parisienne. "Je n'ai jamais voulu travailler seul. Cela m'est arrivé pendant un mois l'an dernier et ça n'a pas été gérable. Je devais m'occuper des trois patientèles. Je faisais 40 à 50 actes par jours, c'était de l'abattage. Je n'avais pas le temps de discuter avec les patients. Ce n'est pas ma vision du métier"explique le Dr Ruelle.

Epuisement
Aujourd'hui, il se sent "fatigué et désabusé" par cette aventure. Inquiet pour ces patients, il est assez pessimiste sur les chances d'aboutir de la maison médicale. En effet, ce projet ne concerne pas que la ville d'Arçais, mais plusieurs communes et villages alentours. "Chaque municipalité essaie de tirer la couverture à elle. Les élus n'ont pas de vision à l'échelle du territoire" regrette le généraliste qui constate qu'en trois ans, plus de 70 réunions ont eu lieu au sujet de la maison médicale. "On tourne en rond" déplore-t-il.
Et désormais, avec trois médecins en moins, la situation est encore plus compliquée. Léocadie Le Vély, kinésithérapeute et présidente de l'association Santé Marais, est très inquiète. "La situation est catastrophique. Nous avions monté ce projet depuis quatre ans. Aujourd'hui, nous arrivons à épuisement. Il ne reste plus que deux médecins, ce qui devient impossible pour l'ensemble du territoire que nous devons couvrir" soupire-t-elle.

Coup dur
Quasi finalisé, le projet devait être financé par l'hôpital de Niort. "L'ARS nous avait donné son accord de principe, mais le départ des médecins a tout remis en cause. Nous n'avons donc plus l'aval de l'ARS. Nous devons réécrire le projet" explique la kinésithérapeute avant d'ajouter : "Nous nous battons toujours mais c'est épuisant. D'autant que nous travaillons en même temps. Ces départs sont un véritable coup dur, nous avons du mal à rebondir".
La pression des patients se fait aussi sentir. Joël Bourchenin a donc décidé de retrouver un médecin pour sa commune. "Le conseil de l'Ordre du département considère que les 6 000 patients qui se retrouvent sans généraliste pourront se recaser chez les médecins aux alentours, moi je suis très inquiet" confie-t-il. D'autant qu'une généraliste voisine vient de tomber en burn-out. "Je mets toute mon énérgie à trouver un médecin qui pourra s'inscrire dans le projet de la maison médicale. Je prévois même, s'il le souhaite, de l'héberger dans un local communal. Cela me cause des insomnies mais, tant qu'il n'y a pas de médecin, pas le droit de tomber malade !"