La consécration des centres de santé ou l'idéologie du neu-neu qui triomphe....pour ceux qui pensent que les maisons de santé pourraient être une solution.
Pioché dans Rue 89
Une tire-lire, un stéthoscope et des billets (401K 2012/Flickr/CC)
De sa vie, Hélène (certains prénoms ont été changés) n'avait jamais fait grève. Mais cette dentiste dans la cinquantaine, salariée du centre de santé de la MGEN (Mutuelle générale de l'Education nationale) à Paris depuis plus de trente ans, a elle aussi cessé le travail le 14 juin dernier.
A l'appel du syndicat majoritaire CFE-CGC, 81% de ses collègues médecins et dentistes se sont rassemblés à Montparnasse devant le siège de leur employeur, la plus grosse mutuelle santé de France avec trois millions d'adhérents, pour exprimer leur indignation.
La colère de ces blouses blanches est provoquée par le projet de la MGEN de signer une nouvelle convention collective régissant le statut des praticiens des cinq centres de santé qu'elle gère sur l'ensemble du territoire.
Médecins payés au rendement
Selon ce projet, le statut de salarié des bons docteurs serait réduit à peau de chagrin, « pour ainsi dire à celui de VRP », ironise un gynécologue, car ils seraient désormais payés uniquement au pourcentage du chiffre d'affaires. En clair, au rendement.
De surcroît, ils perdraient les RTT tout comme la notion d'ancienneté qui ouvre droit à une indemnité, ainsi que d'autres avantages liés à la condition de salarié, comme la prévoyance, qui serait réduite.
Louis-Albert Steyaert, délégué syndical CFE-CGC et principal interlocuteur de la direction dans la négociation, explique :
« Nous avons déjà une part variable dans notre salaire aujourd'hui. Mais ce système totalement basé sur le pourcentage du chiffre d'affaires entraînerait une baisse des rémunérations de 10 à 40%. Pour être honnête, certains peuvent y gagner jusqu'à 10% de plus, mais cela resterait marginal. »
Car en fonction de la spécialité exercée, le chiffre d'affaires généré varie. Ainsi, un médecin spécialiste ou un dentiste qui effectue des « actes techniques" tels que l'échographie, le laser, une prothèse dentaire, la pose d'un stérilet, rapporte davantage à son employeur. Un médecin généraliste en revanche n'a `que sa consultation :
Nous estimons qu'un tiers à la moitié des médecins ou dentistes partiraient si ce projet aboutissait. Et dans ce cas, nous ne manquerions pas de voir un plan social arriver qui toucherait les personnels administratifs jugés en surnombre.'
Un idéal mis à rude épreuve
Au-delà de leur cas personnel, les praticiens reçoivent ces visées de la direction comme un affront à une certaine idée de l'exercice de la médecine qu'ils ont embrassée en épousant un employeur pas comme les autres.
Une mutuelle historique née juste après 1945 et fondée sur le principe de la solidarité et de l'accès à des soins de qualité pour tous. Hélène raconte :
`Nous ne sommes pas dans n'importe quelle entreprise. J'ai fait ce choix voici des années d'être salariée plutôt que de m'installer en libéral, et je ne l'ai jamais regretté. C'était un choix par conviction personnelle, un choix de société. Ce lien de salaire nous unit à un projet mutualiste, donc à un ensemble de valeurs. Le salaire fixe, c'est un garde-fou qui nous permet de garder une éthique et de soigner nos patients dans un souci de santé et non de rentabilité.'
Cardiologue, Sylvie ajoute qu'elle travaille dans ce centre ` pour permettre à des gens de se faire soigner sans avoir à payer 120 euros la consultation de cardiologie comme dans le privé '.
Manif des médecins de la MGEN, à Paris, en juin 2012
Un modèle rentable sorti des cartons
Avec un déficit de sept millions d'euros en 2011, les centres de santé de la MGEN ont besoin d'être renfloués. Personne ne conteste cette donnée de base, sauf sur les moyens d'y parvenir.
` Le nouveau mode de rémunération ne réduirait que de 20% le déficit à activité égale, sans aucun départ de praticien ' a calculé la CFE-CGC.
Mais pour Eric Chenut, le patron de la branche action sanitaire et sociale de la MGEN, il n'y a pas trente-six solutions. Pas de porte de sortie possible du côté d'une hausse de cotisations qui serait insupportable pour les assurés, ni du côté de la Sécurité sociale qui fait la sourde oreille aux demandes de réévaluation du tarif de la consultation de base (23€), des charges financières importantes pour gérer le tiers payant dans les établissements : il ne reste qu'à ` introduire de nouveaux modes d'organisation ', explique-t-il.
` C'est une question de responsabilité si nous voulons rester fidèles à nos principes mutualistes '.
Aussi son service a-t-il sorti des cartons un ` modèle économique élaboré par une commission de la Mutualité [la grande maison mère des mutuelles]'.
`Une méthode qui pousse à la consommation'
Selon la CFE-CGC, ce ` modèle ' qui explique comment rendre un établissement de santé rentable aurait été créé par des experts du secteur privé de la santé.
Le document présenté aux salariés du centre de Vaugirard a, en tout cas, fait perdre leurs dernières illusions aux praticiens. Pour gagner davantage et rentabiliser l'activité, est-il suggéré chiffres à l'appui aux praticiens, il faut voir plus de patients par heure (quatre) et recourir à des actes techniques bien plus importants que ceux facturés aujourd'hui par les centres de la MGEN.
` C'est une méthode qui pousse à la consommation et à faire de l'abattage ' s'énerve Sylvie, cardiologue :
` Aujourd'hui, j'ai vingt minutes par patient, en 1995 c'était une demi-heure, et maintenant on m'en demande quinze ! Mais le pire, c'est de nous inciter à faire consommer plus d'actes techniques. C'est douteux sur le plan éthique. Est-ce que ça ne signifie pas creuser le trou de la Sécurité sociale ?'
Le 5 juillet, une nouvelle séance de négociation doit s'ouvrir entre la direction et le syndicat. Le docteur Steyaert de la CFE-CGC ne désespère pas d'arriver à un accord sur ` des bases saines plutôt qu'irréalistes basées sur un modèle qui n'existe nulle part ailleurs '.
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Vous remarquerez que les bonnes vieilles recettes restent toujours les mêmes: la multiplication des actes techniques dispendieux qu'en toute hypocrisie chacun sait parfaitement inutiles pour pallier la faible valorisation de l'acte médical lui même.
Et ensuite on vient s'étonner la bouche ouverte et en se tapant sur le front de ce la sécurité sociale est en déficit ..Et la sécu vient nous faire ensuite la morale édictant le dogme gravé dans le marbre, du genre "il n'y a pas lieu de pratiquer plus d'un scanner par an" ou alors "il n'y a pas lieu de demander un bilan lipidique plus que tous les 5 ans"..Ce pays devient vraiment pitoyable.