Barnouic
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25 oct. 2012 à 12:28
Dr Paul Lemeut
Messages postés92Date d'inscriptionmardi 27 juillet 2010StatutContributeurDernière intervention16 décembre 2012
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25 oct. 2012 à 23:03
ah mais c'est dramatique ...les médecins français n'ont plus la foi
Alors que la rémunération des médecins est au coeur de l'actualité, le Dr_Scalp a décidé de quitter le pays pour aller exercer en Suisse. Fini pour lui, les journées à rallonge, la paperasse administrative et les consultations de 23 euros. Un choix qu'il est loin de regretter.
Le Dr_Scalp est un jeune généraliste français de 34 ans. Après avoir exercé cinq ans en zone déficitaire, le praticien a décidé de plier bagage et de mettre le cap vers la Suisse. Ce n'est pas son travail, qualifié ``d'intense et d'épanouissant'',qui l'a découragé mais plutôt la lenteur des politique de santé en France. "Ce qui m'a poussé à partir, c'est le manque de décision politique et d'efficacité dans la création d'une maison de santé pluridisciplinaire que j'ai mené pendant quatre ans" explique le Dr_Scalp avant d'ajouter que "les politiques se sont bien moqués de moi. Il s'agissait du seul projet de maison de santé pluridisciplinaire validé par l'ARS, et au final rien ne s'est passé. Ce n'est que lorsque j'ai annoncé mon départ que le projet s'est mis à revivre, mais pour moi c'était trop tard".
Profiter de sa vie de famille
Depuis décembre dernier, le généraliste a donc pris la route vers la Suisse. Il a commencé par y exercer par intermittence et depuis une semaine, le Dr_Scalp est à temps plein. "Les meilleures conditions de travail matérielles et financières, la moindre charge de travail permettant une vraie vie à côté du boulot ainsi que l'assurance de faire de la vraie médecine de premier recours m'ont poussé à m'y installer" confie-t-il avant d'ajouter : ``la qualite de vie a également été au centre des discussions. Les conditions de scolarité pour mes enfants sont extra. Ma fille est en maternelle et dans sa classe, quatre adultes s'occupent de 17 enfants. Les moyens sont différents".
Aujourd'hui, le praticien est loin de regretter l'hexagone. Ses journées ont drastiquement changé. "En France, je faisais entre 30 et 50 actes par jours. Je travaillais de 8h à 20h30/21h. La journée se découpait en 4 à 5 heures de consultation le matin, un déjeuner sur le pouce, des visites en début d'après-midi et retour en consultation en fin d'après-midi. Une fois que le cabinet était fermé, il me restait toute la. paperasse inutile et les conversations houleuses avec les médecins de la sécurité sociale au sujet des ALD. Puis après j'avais le droit de rentrer chez moi pour voir mes enfants qui dormaient déjà !"
Le nouvel emploi du temps du Dr_Scalp lui permet désormais de profiter de sa vie de famille. "Je travaille de 8h à 12h05 puis de 13h30 à 18h. Il y a très peu de visites parce que les Suisses n'y sont pas habitués." Mais ce n'est pas tout. Fini la paperasse en rentrant le soir. ``En Suisse, il n' y pas de sécurité sociale, les patients ont tous des assurances privées. Résultat, j'ai dix à quinze fois moins de contraintes administratives qu'en France. Le peu qu'il me reste à faire est rémunéré. Cela devient donc plus acceptable !'' sourit le praticien.
Au fond des choses
Autre changement majeur, les ``assistantes médicales''. Formées pendant trois ans, les AMs'occupent des patients, se chargent de l'administratif, effectuent les analyses de laboratoire et les examens radiologiques et assistent le médecin lors d'interventions. Une révélation dans la nouvelle vie du Dr_Scalp. ``Je ne m'occupe pas du moindre rendez-vous. Je ne suis dérangé au téléphone qu'en moyenne deux fois par jour. La plupart du temps par des confrères'', s'enthousiasme le généraliste.
La pratique de l'exercice médical est également différente dans le pays neutre. Le Dr_Scalp se réjouit de faire``une vraie médecine de premier recours''. Les moyens de son cabinet sont édifiants. Appareil de radiologie, matériel de biologie, boxe pédiatrique, salle de traitement avec trois brancards sur lesquels les patients peuvent être perfusés, salle de type bloc opératoire pour faire de la petite dermatologie ... ``Cela ouvre un champ de consultation immense. J'ai la sensation de pouvoir aller au fond des choses'' note le Dr_Scalp.
Si les patients peuvent bénéficier de tous ces équipements, cela à un prix. ``En Suisse, le système de santé est totalement privatisé. Les patients ont tous des assurances privées. Les cotisations coûtent environ deux fois et demi le prix des mutuelles françaises. Il y a ensuite une franchise à payer pour les premiers soins. Au delà de cette franchise, tout le reste est entièrement pris en charge. Les patients sans ressource ont le droit à une aide sociale et ils ne paient pas leurs soins'' explique le praticien. Cela peut sembler cher, mais il faut prendre en compte le niveau de vie en Suisse, qui est beaucoup plus élevé que dans l'hexagone. A titre indicatif, un SMIC est égal à environ 3 000 euros. Les assistantes médicales du cabinet du Dr_Scalp sont rémunérées 3 300 euros.
Argent de poche
En Suisse, le paiement à l'acte n'existe pas. Selon le généraliste il s'agit plutôt de ``salariat déguisé''.``Les consultations sont chronométrées et le médecin est payé par tranche de cinq minutes (environ 13 euros les cinq minutes NDLR). Une consultation de 15 minutes est donc rémunérée environ 30 euros (les cinq dernières minutes sont payées six euros). A cela s'ajoute 13 euros pour la tenue du dossier médical''commente le praticien. Il ajoute qu'``en Suisse, une consultation signifie parler. Le fait d'allonger le patient et de pratiquer `unpetit examen clinique', c'est à dire analyse de l'appareil cardio-respiratoire et abdominal plus poids et tension, rapporte 40 euros qui s'ajoutent au tarif de la consultation''. Les cotations des différentes catégories d'examens sont référencées dans le Tarmed. En moyenne un acte coûte 80 euros au patient.
Bilan à la fin du mois, un salaire ``vertigineux''. Le chiffre d'affaire du généraliste fluctue entre 33 000 et 41 000 euros par mois. Une fois les frais payés, le bénéfice, c'est-à-dire le salaire du MG, est en moyenne de 13 000 à 17 000 euros. ``Les impôts sur le revenus sont beaucoup plus avantageux en Suisse, autour de 30%. Après impôts, il me reste donc environ 15 000 euros d'argent de poche par mois''détaille le praticien.
Et le Dr_Scalp ne manque pas de s'accorder régulièrement un repos bien mérité. Il prend ainsi 6 à 8 semaines de congés par an, pendant lesquelles le cabinet est fermé puisque le système de remplacement n'existe pas. En revanche, un médecin assure les gardes de 8h à 22h tous les jours (ce que fait le Dr_Scalp environ deux fois par mois). Il travaille également un week-end tous les deux mois.
Patte blanche
Pour pouvoir travailler en Suisse, le généraliste reconnaît qu'il a fallu montrer ``patte blanche''. Au total, les démarches ont duré environ six mois. Le Dr_Scalp a bien reçu l'autorisation d'ouvrir un cabinet, mais uniquement en Suisse romande (francophone). Les médecins français sont accueillis à bras ouverts puisque la moyenne d'âge des médecins suisses est d'environ 55 ans, et parce que le pays constate une désaffection de la médecine générale. ``La profession est jugée trop contraignante en terme d'horaire et pas assez bien rémunérée''s'amuse le Dr_Scalp. Une revalorisation des tarifs d'environ 10% est prévue prochainement.
Alors que les négociations sur les dépassements d'honoraires ont fait la une de l'actualité française, le Dr_Scalp admet que cela le ``fait beaucoup rire''. Notamment les 5 euros supplémentaires consentis pour les consultations de patients de plus de 85 ans. ``Tout se fait toujours pas petit bout de chandelles'' déplore le généraliste, qui ne s'imagine pas revenir en France. ``A quand une politique de santé forte en France ? Il n'y a pas de vrais moyens pour exercer'' regrette-t-il.
Bilan : de plus en plus de Français suivent la route du Dr_Scalp. ``Dans ma promo, nous étions 70. Nous sommes neuf à s'être installés en libéral. Sur les neuf, nous sommes cinq à avoir déplaqué pour partir en Suisse'' souligne le praticien, qui constate que ``l'information circule''. Dans son dernier atlas de la démographie médicale, le Conseil de l'Ordre a constaté qu'au cours de l'année 2011, 927 médecins libéraux ont décroché leur plaque prématurément, dont 62% sont des généralistes. Les principaux motifs évoqués étaient les charges financières, les tâches administratives, le temps de travail quotidien et le manque de reconnaissance.