Diagnostic

Sébastien - 16 déc. 2013 à 18:12
Enka1 Messages postés 16100 Date d'inscription samedi 6 juillet 2013 Statut Membre Dernière intervention 13 juillet 2019 - 16 déc. 2013 à 18:59
Bonjour
Ma mère a eu il y a trois ans un cancer du pancréas.
Janvier 2010 elle est dépressive, je me dis que l'âge ajoute au trouble du temps qui passe.
Avril 2010 je rentre de Madagascar (où je travaillais) et j'insiste lourdement pour qu'elle consulte un médecin ou quelque chose comme ça.
Son fils rentré, elle accepte.
Le diagnostic finira par tomber fin mai.
Je suis rentré de Madagascar à Toulouse juste pour le week end et lui donner tout le courage d'un fils. Je lui écrivais 15 fois par jour, avec en signature mes bises de soins. Je n'ai jamais manqué nos rendez vous skype, me suis battu à antananarivo parce que l'électricité était coupée un soir de juin...
Puis j'ai amené ma mère à chaque chimio, lui tenant la main qu'elle avait si souvent serrée pour guider la mienne.
Un jour d'aout, un jour de chimio, l'oncologue m'a appelé dans le couloir. Ecoutant ses mots et regardant par le hublot le doux visage de ma mère qui se demandait ce qui se tramait sans elle, il m'aurait arraché un bras que cela m'aurait moins fait de mal. J'ai marché plus loin dans le couloir, suis entré dans un box vide, j'ai eu mal comme plus jamais je n'aurais mal.
Puis, rassemblant les forces qu'elle avait mis 42 ans à bâtir, je suis revenu, et lui ai menti.
Ma mère, digne comme je voudrais l'être a rassemblé les siennes dans un sourire qui me hante depuis. Et puis les jours qui ont suivi ont été ceux de la rémission, du retour à la vie, du bonheur de croire en de belles et nobles choses.
Elle était en forme dans un état gravissime. Elle était mieux. Son sourire était revenu, et n'était pas une feinte. Elle y croyait.
Et mon sourire de fils y croyait aussi.
Le samedi est arrivé... Devant rentrer pour mon travail à Madagascar, je suis parti de chez elle vers l'aéroport. J'ai pris cette décision parce qu'elle allait mieux, et que le sourire est parfois plus fort que la chimio, et le reste.
Elle était heureuse de me savoir heureux, de savoir que bientôt je me marierai de nouveau avec mon amour de toujours, que les enfants étaient heureux.
Je suis parti dans d'ultimes « bises de soins », lui disant de suivre les remèdes (que ce mot baroque nous faisait rire), les prescriptions et mon bipbip de skype. Elle me répondit que déjà ça allait mieux. Et que Toussaint arriverait vite.
Je suis parti confiant, parce que la maladie rend les personnes plus fortes, et les mamans éternelles. Je ne serai jamais parti sinon. Je suis parti le sourire accroché à la capacité de voir qu'elle se jouait de la fatalité.
En arrivant à Antananarivo, j'ai fait le bipbip. Sa voix était ferme, elle me demanda des nouvelles de mes voisins. Et me souhaita une bonne rentrée. Et qu'il lui tardait de me revoir.
Je n'ai pas pu lui parler le lundi. Elle avait commencé à mourir. Et de son corps tombaient les dernières feuilles...
Mon beau père m'a appelé à 4 h du matin le mardi. A ses pieds était tombé l'ordinateur portable que je lui avais offert 6 mois plus tôt pour que nous puissions parler par Skype... Elle est partie seule sans un mot et les yeux fermés.
Sur ma boite mail, j'ai un dernier courrier envoyé le lundi soir à 23h58. Je ne l'ai jamais ouvert.
Je reste admiratif du courage de ma mère. Et de l'énergie qu'elle mit à se battre devant plus fort, plus injuste, mieux organisé. Les cancers, ce n'est pas pour les mamans, ou les papas. Ce n'est pour personne du reste.
Du courage, il nous en faut. Il faut se le souhaiter, se serrer dans les bras, s'embrasser sous les oreilles, dans le cou.
Mais le plus grand du courage, c'est pour eux, et c'est eux qui nous le donnent. Il faut leur faire confiance, il faut les laisser gérer leur maladie, leur voyage, leur combat. Il faut les aimer plus que l'on aimera jamais.
Je reste très impressionné par le courage de ma mère. Elle savait depuis longtemps, mais m'a tout caché. Elle a été plus forte que le cancer parce qu'elle a su ne jamais céder devant son fils face à lui.
Je reste dans un deuil éternel, profond, douloureux. Je n'ose vous dire que j'ai du mal à distinguer mon clavier.
Mais le plus grand des combats ce n'est pas moi qui l'ai livré. C'est elle, ce sont eux, c'est vous qui me lisez. Et je vous envoie toutes mes bises de soins, qui ont marché à l'époque puisque la dernière image que j'emporte est son sourire pour me dire « au revoir mon bébé joli ». La vie, la vie, oui la vie... Mais la mort aussi. Et la droiture de ne pas céder. Jamais...
Je pleure beaucoup aujourd'hui. Le 16 décembre résonne en ma mémoire comme jamais. Mais bon, il fallait bien que ça sorte un jour, moi qui subit les soubresauts de la marée du deuil depuis ce 1° sept 2010 sans broncher. Ou si peu...
Courage, n'abandonnez rien, aucun pouce de terrain.
Merci de m'avoir lu, et d'avoir subit ma rage.
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1 réponse

Enka1 Messages postés 16100 Date d'inscription samedi 6 juillet 2013 Statut Membre Dernière intervention 13 juillet 2019 900
16 déc. 2013 à 18:59
Bonsoir,

Je dois dire que je n' ai pu retenir mes larmes en lisant ton écrit qui est un magnifique hommage et témoignage d' amour à une maman admirable et courageuse.

Chaque parent sur cette terre ne peut que désirer avoir auprès de lui, dans son coeur et dans sa vie, un fils ou une fille comme toi.

Tu es l' exemple même de ce qui devrait être ici bas ... Et malheureusement est à mille lieux d' être.

Ta maman est toujours là, dans ton coeur et dans ton corps puisque c' est grâce à elle aussi, que tu es là.

Tu prolonges sa propre vie au travers de la tienne.

Lire des écrits comme le tien redore l' image de la nature humaine.

Que le temps apaise tes souffrances. Merci pour tes bises de soins.

je me permets de t' en envoyer aussi.
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