Comment différencier une perte de mémoire de la maladie d'Alzheimer ?

Comment différencier une perte de mémoire de la maladie d'Alzheimer ?

Contrairement à la perte de mémoire en lien avec l'âge et causée par des facteurs particuliers, la maladie d'Alzheimer se caractérise par une perte d'autonomie au quotidien, se manifestant par une perte de la mémoire récente ainsi que des repères spatio-temporels, entraînant une dépendance. Quand doit-on s'inquiéter ?

Quelles sont les caractéristiques d'une perte de mémoire normale liée à l'âge ? 

Il s'agit de troubles de la mémoire qui vont survenir dans des circonstances particulières, explique le spécialiste : stress, fatigue, insomnies, apnées du sommeil, prise de médicaments comme des anxiolytiques, consommation excessive d'alcool mais "qui ne vont pas avoir de retentissements sur l'autonomie de la personne au quotidien". Si tout est normal sur le plan biologique, la personne âgée possède moins de capacités de mémorisation qu'un jeune de 15 ans. L'OMS considère qu'une personne est âgée à partir de plus de 65 ans, maintenant avec l'évolution des technologies, les personnes sont âgées vers plus de 80 ans. "Si la personne tient un discours cohérent, qu'elle manifeste une bonne mémoire graphique, un bon sens de l'orientation, on peut considérer que ce n'est pas Alzheimer.

Quelles sont les caractéristiques des pertes de mémoire dans la maladie d'Alzheimer ?

Dans la maladie d'Alzheimer, les pertes de mémoire concernent les souvenirs récents, "par exemple ne plus se souvenir d'un évènement qui s'est déroulé la veille ou encore le fait d'être confus, désorienté dans le temps et l'espace, ne plus reconnaître les lieux où l'on va ou encore son habitation, éprouver des difficultés à reconnaître ses proches." Les caractéristiques des pertes de mémoire se traduisent par une atteinte dans les fonctions cognitives : la personne n'a plus les capacités d'organisation et de planification, elle peut abandonner certaines tâches quotidiennes journalières, elle commence à s'isoler. "J'ai dans mes patients une dame de 69 ans qui a commencé à restreindre ses déplacements en voiture, elle planifie son itinéraire avant de partir, elle est consciente qu'elle peut se perdre, ce sont effectivement des signes qui doivent alerter", insiste le neurologue. 

Quand s'inquiéter ? 

Il faut s'inquiéter quand il commence à y avoir dépendance, c'est-à-dire perte d'autonomie au quotidien. "Certaines personnes viennent consulter d'elles-mêmes, car elles ont des membres de leur famille touchées par cette maladie, donc certains troubles bénins comme oubli de carte, de clés, du code de la carte bleue vont faire peur et les pousser à consulter." Souvent, ce sont les enfants et les conjoints qui déclenchent la consultation auprès du médecin généraliste car ils ont constaté que la personne ne rangeait plus les objets à leur place, qu'il se produisait une désorganisation dans la journée avec une perte de repères spatio- temporels, ce sont des éléments qui alertent l'entourage. 

Qui consulter ? 

"Dans un premier temps, il faut s'adresser au médecin généraliste, qui enverra vers un spécialiste, en général un neurologue, gériatre, psychiatre." En fonction du diagnostic, la prise en charge peut être disciplinaire. "On s'appuie sur un bilan psychologique, radiologique, de l'imagerie cérébrale (IRM) pour détecter des lésions cérébrales et vasculaires". Le mieux, c'est la scintigraphie cérébrale qui va mettre en évidence le fonctionnement du cerveau et notamment le défaut des aires associatives temporaires constatées dans la maladie d'Alzheimer. 

Pour ralentir la maladie, le lien social est important et il faut continuer à pratiquer de l'exercice physique quotidien

Quels tests pour faire la différence ? 

"Nous avons à notre disposition de nombreux outils et dispositifs. Il existe deux tests dits globaux : MMSE ou test de Folstein et MOCA", souligne le neurologue.  De manière générale, Le MMSE est un test d'évaluation cognitive et de capacités mnésiques composé d'une trentaine de questions qui vont permettre d'obtenir un score global en analysant 6 fonctions cognitives : l'orientation dans le temps et l'espace, les capacités d'apprentissage et la mémoire immédiate, la mémoire à court terme, les capacités de praxis, -savoir se servi d'une fourchette), les capacités langagières avec la dénomination des mots, l'attention et le raisonnement. Le deuxième test nommé MOCA développé par les Canadiens se présente comme un outil de dépistage précis qui permet de repérer un déclin neurocognitif léger. Il existe également des tests qui vont explorer la mémoire immédiate, c'est le cas du test des 5 mots de Dubois, à lire, à retenir et à restituer de façon spontanée, poursuit le Docteur.  Ensuite, le patient recommence l'exercice 5 minutes après. Cela permet d'évaluer les 3 étapes de la mémorisation, l'enregistrement, ou l'encodage, le stocakge et la récupération de l'information. "L'autre test utilisé est celui de Grober ou RL-RI 16 constitué de 16 mots  qui mesure les problèmes d'encodage en mémoire" : Ce test permet d'évaluer la présence et la nature des difficultés de mémoire épisodique verbale afin de détecter l'aggravation ou l'évolution vers une démence chez des individus atteints de déficits cognitifs légers.

Peut-on retarder la maladie d'Alzheimer ?

"Il existe des traitements médicamenteux proposés à certains patients débutant la maladie et répondant à des critères particuliers, il faut en effet que le diagnostic soit certain", explique le spécialiste. Pour ralentir la maladie, le lien social est important, il faut voir la famille, les amis, continuer à parler, pratiquer de l'exercice physique quotidien, faire partie d'un groupe, soigner sa nutrition, "on conseille aux patients un régime méditerranéen à base de fruits, légumes, poissons", de la lecture, des jeux (mots croisés, fléchés, mandalas, sudoku) la tenue d'un journal quotidien, voyager pour rester autonome le plus longtemps possible. "Il faut aussi que les aidants restent en forme, pour cela, il y a des accueils de jour et de nuit et même des expériences de baluchonnage dans certaines régions". Le principe ? Un accompagnateur spécialisé remplace l'aidant à domicile pour plusieurs jours consécutifs (24h/24) en prenant soin de la personne aidée afin de permettre à l'aidant de profiter d'un moment de répit.  

Merci au Docteur Jean-Philippe Delabrousse-Mayoux, neurologue au Centre Hospitalier Samuel Pozzi à Bergerac.