Phase d'opposition : pourquoi mon enfant dit "non" à tout ?

Votre bébé se met tout à coup à refuser tout ce que vous lui proposez ? Cette phase d'opposition également appelée "période du non" est tout à fait normale chez l'enfant. Mais à quel âge survient-elle et jusqu'à quand ? Comment réagir ? Analyse et conseils de Céline Masmonteil, psychologue.

Phase d'opposition : pourquoi mon enfant dit "non" à tout ?
© koldunov-123RF

La phase d'opposition, surnommée aussi la période du "non", survient chez la plupart des jeunes enfants, en général dès l'âge de 18 mois. C'est une étape importante du développement de l'enfant, durant laquelle votre tout-petit s'affirme davantage, cherche à avoir de l'autonomie et emploie le fameux "non" presque à tout va. Pour les parents, cette période peut être difficile à comprendre et à gérer tant les émotions et les pleurs varient parfois du jour au lendemain. La psychologue Céline Masmonteil nous partage ses conseils pour réagir sereinement face à cette période du non. 

À quel âge commence la phase d'opposition chez l'enfant ?

Chez l'enfant, la phase d'opposition survient généralement entre l'âge de 18 mois et 3 ans, c'est pour cette raison qu'on l'appelle parfois le "terrible two" qui se déclenche autour des 2 ans de l'enfant ! "La phase d'opposition est une étape parfaitement normale du développement de l'enfantOn doit au contraire s'inquiéter de ne pas la voir s'exprimer", nous explique Céline Masmonteil.

"La phase d'opposition est une étape normale du développement de l'enfant. On doit au contraire s'inquiéter de ne pas la voir s'exprimer."

Combien de temps dure la période du non chez un enfant ?

La période du non peut durer plusieurs mois comme quelques années. En général, elle dure jusqu'au 3 ans de l'enfant. 

Pourquoi bébé dit "non" à tout ?

Cette période du non, qui peut s'apparenter à une petite crise d'adolescence, est avant tout l'expression chez l'enfant "d'un besoin de s'affirmer dans la confrontation", détaille l'experte. En grandissant, le langage de l'enfant se développe, il prend ainsi conscience qu'il est un individu à part entière et "il découvre son autonomie en même temps qu'il prend conscience de sa dépendance", ajoute-t-elle. 

Il y a d'un côté tout ce qu'il veut faire seul, et d'un autre, la réalité de ce qu'il est capable de faire. De ce fait, dès qu'un obstacle se met sur son chemin, il le vit comme une catastrophe. La psychologue Céline Masmonteil compare cet état à une véritable tempête émotionnelle : "l'enfant devient rouge, il est chaud et tape des pieds. L'expression de sa colère est avant tout physique", commente-t-elle.

Pourquoi la phase d'opposition est-elle utile à l'enfant ? 

Même si cette phase d'opposition est parfois difficile à passer, elle est en réalité indispensable dans la construction de l'enfant. "Cette étape, très structurante pour la suite, est révélatrice de sa singularité, de l'affirmation de sa personnalité et de ses besoins. Elle est excitante, car l'enfant prend conscience de sa place dans le monde et de l'impact que ses réactions ont sur les autres. Mais elle est aussi angoissante parce qu'il se confronte à la frustration et à un principe de réalité simple : on ne peut pas faire ce qu'on veut", souligne la spécialiste. C'est justement là qu'interviennent les parents, dont le rôle va être à la fois d'aider l'enfant à comprendre ses émotions, mais aussi de lui imposer certaines limites.

"Cette étape, très structurante pour la suite, est révélatrice de sa singularité, de l'affirmation de sa personnalité et de ses besoins".

Comment gérer la période du non de l'enfant ?

Pendant la période du non, les parents sont souvent démunis face aux crises de leurs enfants. Ils ne savent pas comment réagir et craignent parfois d'être autoritaire à tort. "Les parents s'interrogent beaucoup et il y a une vraie question de la légitimité de la fonction d'autorité. 'Ai-je le droit de limiter ça ? Est-ce que je vais le traumatiser ?'", énumère l'experte. Toutefois, elle tient à rassurer les parents : "vous avez une responsabilité, celle de poser des limites à la toute puissance de votre enfant. En résistant face à sa colère et à son agressivité, vous lui montrez que vous êtes présents. Et quoi de plus rassurant pour un enfant de sentir que son parent tient la route ?"

Aider son enfant à exprimer ses émotions

En tout premier, l'experte conseille d'aider l'enfant à mettre des mots sur ce qu'il ressent, en lui parlant de ce qu'il est en train de vivre. "Tu es fâché, tu es très en colère, je le comprends. Mais on ne peut pas toujours faire ce qu'on veut". Il faut lui expliquer que vous comprenez sa colère, mais aussi lui dire pourquoi il doit mettre un manteau pour sortir, ou pourquoi il ne peut pas avoir un bonbon juste avant de passer à table.

Trouver des alternatives

Lorsque l'enfant se sent frustré de ne pas avoir ce qu'il veut, vous pouvez à ce moment-là lui proposer une alternative, comme un morceau de carotte par exemple si vous êtes en train de préparer l'entrée. C'est important de rester positif et de ne pas fermer le dialogue. 

Rassurer l'enfant

Si l'enfant est en pleine crise, le mieux est de l'envelopper et de le contenir doucement, pour le rassurer, mais aussi pour éviter qu'il ne se fasse mal ou fasse mal aux autres. Ensuite, il faudra échanger avec lui sur ce qui vient de se passer. La bonne autorité est celle qui dit "je ne peux pas te laisser faire n'importe quoi", déclare la psychologue.

Apprendre à l'enfant à réparer ses bêtises

Il faut lui apprendre à exprimer sa colère autrement, en lui donnant les mots, mais aussi l'encourager à "réparer" lorsqu'il fait des bêtises : "ranger la chambre, réparer la bêtise ou tout cela va l'empêcher de ressentir de la culpabilité après coup", annonce Céline Masmonteil.

Pourquoi faut-il réagir pendant la phase d'opposition ?

Il y a un vrai risque à ne pas apprendre à l'enfant à contrôler ses émotions et à gérer sa frustration. Il doit comprendre que, s'il n'est pas coupable de ses émotions, ces dernières doivent toutefois être régulées. En ne réagissant pas, le parent met en quelque sorte son enfant en danger. "Il n'y a rien de plus tyrannique qu'un enfant qui se sent responsable de l'autorité, une autorité fondée sur l'angoisse. Cela peut entraîner un véritable malaise, mais aussi des difficultés relationnelles et une mise en danger en dehors du cadre familial rassurant. À la crèche, à l'école ou dans sa vie future, ces débordements prennent une toute autre dimension", insiste la psychologue.

"Il n'y a rien de plus tyrannique qu'un enfant qui se sent responsable de l'autorité. Cela peut entraîner des difficultés relationnelles."

Par ailleurs, l'enfant est très sensible à l'attitude de ses parents. Difficile en effet pour lui de comprendre qu'il doit dire bonjour en entrant dans un magasin si vous-même ne le faites pas... Le parent doit être cohérent dans ses propos et son attitude : "taper sur la main d'un enfant pour lui dire qu'on ne tape pas, crier sur un enfant pour lui dire de ne pas crier, cela n'a aucun sens !", rappelle la psychologue. La parole du parent doit également être crédible. "Le chantage est inefficace ! Si vous dites quelque chose, il faut aller au bout, tenir absolument", insiste la spécialiste.

Merci à Céline Masmonteil, psychologue à Paris.