Médicament coupe-faim : en France, interdit, sans ordonnance ?

Les médicaments anorexigènes réduisent ou suppriment l'appétit. Quels sont ceux interdits en France ? Les amphétamines ? Le Mediator ? Ceux toujours disponibles ? Comment agissent-ils et quels sont les risques ?

Médicament coupe-faim : en France, interdit, sans ordonnance ?
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Définition : c'est quoi un médicament anorexigène ?

Aussi appelé coupe-faim, c'est un médicament qui induit un sentiment de satiété précoce voire une absence totale de faim. Après administration, plusieurs signaux sont envoyés au cerveau pour l'informer que l'estomac est plein. La satiété est donc rapidement ressentie.

Quel est le mode d'action d'un médicament coupe-faim ?

Dans l'organisme, la prise alimentaire est régulée d'une part par la ghréline (hormone qui augmente l'appétit) et la leptine (hormone qui diminue l'appétit). D'autre part, le contrôle de la prise alimentaire se fait par le système hédonique basé sur la recherche du plaisir. En effet, l'ingestion de nourriture est associée à un sentiment de plaisir, elle active les mêmes circuits neuronaux que certaines addictions. Ce plaisir est atteint par la libération de dopamine, de sérotonine ou d'endorphines. Ainsi, certains médicaments permettant la production de ces substances peuvent induire une satiété.Les médicaments anorexigènes présentent différents modes d'action au niveau des neurones : 

  • ils augmentent les quantités de sérotonine, appelée hormone du bonheur. C'est le cas des anorexigènes sérotoninergiques comme certains antidépresseurs et certains dérivés de l'amphétamine.
  • ils augmentent les quantités de dopamine, appelée hormone du plaisir. Ce sont des anorexigènes amphétaminergiques.
  • ils reproduisent les effets de la leptine, hormone induisant la satiété. Par exemple, le médicament Myalepta® à base de métréleptine est un analogue de la leptine.
  • ils produisent des endorphines (substances qui agissent sur les mêmes récepteurs que les opioïdes). Cette action est exercée par la naltrexone à faibles doses. 

De nombreux médicaments peuvent provoquer un effet secondaire qui s'apparente à une perte d'appétit. Toutefois, le mécanisme d'action impliqué reste inconnu pour certains d'entre eux. 

Quelles sont les indications d'un anorexigène ?

Un médicament anorexigène permet de réduire la quantité d'aliments consommés voire de diminuer les crises chez un patient boulimique. Ce type de traitement est principalement utilisé en cas de surpoids ou d'obésité pour induire une perte de poids. De nombreux médicaments responsables d'une anorexie (perte partielle ou totale d'appétit) possèdent d'autres indications puisque leurs propriétés anorexigènes constituent un effet indésirable et non l'effet initialement recherché.  

Quels sont les médicaments anorexigènes autorisés en France ?

Les autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments anorexigènes ont été suspendues en France à compter de 1999 puis retirées en 2006. Aucun médicament ne peut être prescrit pour maigrir. En revanche le Prozac dispose d'une AMM pour la prise en charge de la boulimie "en complément d'une psychothérapie, dans la diminution de la fréquence des crises de boulimie et des vomissements ou prise de laxatifs" précise l'ANSM. Les autres molécules qui possèdent des propriétés anorexigènes ne sont pas autorisées à être prescrites pour perdre du poids ou pour traiter la boulimie. Si elles sont utilisées à ces fins, il s'agit d'un détournement de leur usage formellement interdit. Par exemple : 

► les antiépileptiques comme Epitomax® (le topiramate) et Zonegran® (le zonisamide). Dans plusieurs pays, une association de topiramate et de phentermine (dérivé de l'amphétamine interdit en France) est indiquée dans le traitement de l'obésité. 
le médicament Fintepla® à base de fenfluramine (dérivé de l'amphétamine) est disponible en milieu hospitalier pour traiter l'épilepsie, il fait partie de la même famille que le benfluorex (molécule du Mediator®). 
►un autre dérivé de l'amphétamine, le méthylphénidate, induit une diminution voire une absence totale d'appétit. Cette molécule est retrouvée dans les spécialités Ritaline®, Quasym® ayant une indication dans le trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). L'instauration d'un de ces traitements chez l'enfant doit conduire à une surveillance régulière du poids et de l'appétit.
► Une association de naltrexone (traitement du sevrage alcoolique) et de bupropion (traitement du sevrage tabagique) est commercialisée aux Etats-Unis pour traiter l'obésité. Des études ont mis en évidence l'efficacité de ce traitement sur la régulation de l'appétit. Ces molécules sont disponibles individuellement en France. 
► Des études sur le baclofène (traitement du sevrage alcoolique et d'un type de contractions musculaires) ont montré des résultats spectaculaires sur la fréquence des compulsions alimentaires en induisant une satiété.
► De même, la spécialité Myalepta® (indiqué chez les patients ayant une lipodystrophie) présente des effets comparables à la leptine (hormone réduisant l'appétit).
D'autres médicaments peuvent provoquer une diminution de l'appétit, mais ne sont pas tous détournés de leur usage en raison de leurs propriétés anorexigènes non prouvées ou peu importantes. C'est le cas par exemple de l'amiodarone (antiarythmique), de la vitamine D (en cas de surdosage), du métronidazole (antiparasitaire et antibiotique). De plus, certains antidépresseurs sont anorexigènes comme la sertraline, la paroxétine, le citalopram, l'escitalopram (ceux de la même famille que la fluoxétine) et Laroxyl®Orlistat® est le seul médicament indiqué dans le traitement de l'obésité, toutefois il ne s'agit pas d'un anorexigène. En effet, il bloque la digestion des graisses alimentaires, mais n'exerce aucune action sur la satiété.

Quels médicaments coupe-faim ont été interdits en France ?

Le plus connu est le Mediator® (benfluorex), un dérivé de l'amphétamine. Ce médicament était normalement indiqué chez les patients diabétiques de type 2 en surcharge pondérale. Pourtant il a été détourné de son usage en étant prescrit comme coupe-faim chez des personnes non diabétiques pour les aider à perdre du poids. La mauvaise utilisation de ce médicament a causé de nombreux décès par un dysfonctionnement des valves cardiaques. Ce phénomène a fait l'objet d'un important scandale médiatique. Actuellement, tous les dérivés amphétaminiques ne sont plus commercialisés en France, excepté la fenfluramine et le méthylphénidate. Ces dérivés regroupent l'amfépramone, la sibutramine, le dexfenfluramine, la phentermine, le clobenzorex, le méfénorex et le fenproporex. Ils étaient indiqués dans la prise en charge du surpoids et de l'obésité chez des patients diabétiques de type 2 mais, comme le Mediator®, étaient fréquemment détournés de leur usage.  

Peut-on acheter des médicaments coupe-faim sans ordonnance ?

Non, en France, les médicaments anorexigènes sont uniquement délivrés sur ordonnance. Seuls les coupe-faim naturels (ci-dessous) sont en vente libre.

Quels sont les effets secondaires et les dangers des médicaments coupe-faim ?

La fluoxétine (seul médicament autorisé pour son action anorexigène) provoque fréquemment une perte de poids, des insomnies, de l'anxiété, des maux de tête, des vertiges, des tremblements, des palpitations cardiaques, des éruptions cutanées et des troubles digestifs (diarrhées, nausées). Plus rarement, ce médicament est responsable d'atteintes du foie et de réactions allergiques graves. 
Les dérivés amphétaminiques ont été retirés du marché en raison de leur caractère dangereux. Ils étaient responsables d'effets indésirables cardiovasculaires graves tels que le risque d'AVC ou d'infarctus, d'hypertension artérielle pulmonaire, d'atteinte des valves cardiaques ou encore de risque de dépendance médicamenteuse. 

Leur utilisation doit être évitée chez les patients souffrant d'anorexie mentale. 

Quelles sont les contre-indications des coupe-faim ?

Tous les coupe-faim ne doivent pas être administrés en cas d'allergie à l'un des composants du médicament. Leur utilisation doit être évitée chez les patients souffrant d'anorexie mentale. Ces patients obsédés par leur poids ont tendance à détourner ces médicaments à des fins amaigrissantes pour perdre davantage de poids. La fluoxétine ne doit pas être associée à des antidépresseurs de la famille des IMAO (comme l'iproniazide) ou au métoprolol (traitement de l'insuffisance cardiaque). Les autres médicaments ayant des propriétés anorexigènes ont des contre-indications qui leur sont spécifiques, ils ne doivent en aucun cas être considérés comme coupe-faim. 

Quels sont les coupe-faim naturels ? 

Certains produits de phytothérapie sont utilisés comme des anorexigènes naturels : 

  • la pectine de pomme
  • le fucus
  • la gomme de konjac
  • la graine de chia
  • le nopal (ou figuier de Barbarie)

Une fois ingérés, ces produits à base de plantes absorbent l'eau contenue dans le bol alimentaire et gonflent au sein de l'estomac pour former un gel qui induit un sentiment de satiété plus rapide que prévu. À noter que les graines de chia peuvent être responsables de douleurs abdominales, surtout chez les personnes qui consomment peu de fibres habituellement. De même, l'administration de fucus requiert une vigilance particulière. Une exposition prolongée ou un surdosage en fucus peut augmenter les concentrations en iode dans l'organisme et se traduire par des diarrhées, des maux de tête, des troubles thyroïdiens (hypothyroïdie, hyperthyroïdie) et plus rarement par des atteintes cardiaques. En aromathérapie, les huiles essentielles de pamplemousse et de mandarine sont utilisées pour réduire la sensation de faim, elles ont des propriétés anorexigènes. En micronutrition, Insunea TCA® peut être employé pour réduire principalement les compulsions alimentaires sucrées. Ce complément alimentaire contient du tryptophane (acide aminé précurseur de la sérotonine), sachant qu'un apport en sérotonine freine l'appétit.

Sources : 
- Base de données publiques des médicaments 
- Les anorexigènes amphétaminiques sont strictement interdits en France, 07/01/2021, ANSM
- La Haute Autorité de santé 
- Wichtl M., Anton R. Plantes thérapeutiques, 2ème édition. Editions Tec et Doc-Médicales internationales-Lavoisier, 2003.

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