Lymphœdème (bras, jambes, pied) : symptômes et traitements

Lié à une insuffisance du système lymphatique, le lymphœdème se caractérise par l'augmentation du volume d'un membre. Où peut-il être localisé ? Quelles sont ses causes et comment le soigner ? Réponses avec le Dr Patrick Carpentier, Professeur Emérite de Médecins Vasculaires à l'Université Grenoble-Alpes. 

Lymphœdème (bras, jambes, pied) : symptômes et traitements
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Qu'est-ce que le lymphœdème ?

Le lymphœdème désigne un œdème chronique dont la cause principale est lymphatique. Il s'agit donc d'une accumulation de liquide  interstitiels localisé au niveau d'un ou plusieurs segments de membres, en rapport avec une insuffisance de drainage par le système lymphatique, qui avec le temps, se complique de remaniements fibreux et de surcharge graisseuse. "Il existe beaucoup d'autres causes d'œdème, de causes générales, ou locales, principalement veineuses, le système lymphatique a pour rôle d'assurer le drainage efficace des surplus d'eau, de protéines et de cellules issus du système sanguin que le système veineux n'est pas capable de réintégrer directement ", précise le Dr Patrick Carpentier. 

Où peut-il être localisé ? 

Le lymphœdème touche principalement les membres. Il est plus fréquent et plus facile à diagnostiquer au niveau du membre supérieur puisqu'il y a presque toujours une cause locale chirurgicale ou radiothérapeutique. "En revanche, il est plus compliqué de faire le diagnostic au niveau des membres inférieurs puisque les causes veineuses d'œdème sont fréquentes à ce niveau ", nuance le médecin vasculaire. 

Quels sont les symptômes ?

"Le lymphœdème se manifeste par une augmentation de volume d'un segment de membre, le plus souvent au niveau d'une extrémité, qui régresse mal la nuit contrairement aux œdèmes veineux et s'accompagne assez rapidement d'un épaississement fibreux de la peau qu'il devient difficile de pincer entre les doigts ", indique le spécialiste. 

Quelles sont les causes ? 

Il existe deux grands types de causes.   

  • Les lymphœdèmes secondaires résultent d'une agression du système lymphatique, souvent à la suite d'un traumatisme important au niveau de ce membre, d'une exérèse d'un ganglion lymphatique, d'une radiothérapie ou d'une infection, notamment parasitaire dans les pays tropicaux.
  • Les lymphœdèmes primaires, moins fréquents, sont des malformations du système lymphatique qui sont parfois congénitaux, mais se révèlent souvent plus tard, le plus souvent entre l'adolescence et 30 ans. "Le dysfonctionnement existe dès la naissance, mais reste latent et se décompense plus tardivement, le plus souvent à l'occasion d'un épisode infectieux ou traumatique peu important, et qui peut même être passé inaperçu ", ajoute le Dr Patrick Carpentier. 

Qui est le médecin spécialiste du lymphœdème ?

Le lymphœdème est une maladie vasculaire, qui est prise en charge par les médecins vasculaires. 

Quel est le diagnostic ?

Reconnaître un lymphœdème est en général facile du fait des causes associées, de son mode évolutif et de ses caractères cliniques. Parfois, au début, il est nécessaire de confirmer le diagnostic par une lymphographie isotopique, qui consiste à injecter une quantité infime de traceur radioactif dans la peau et permet d'observer le fonctionnement du système lymphatique. "Mais les œdèmes chroniques sont souvent multifactoriels, reconnaissent des facteurs associés veineux, généraux (cœur, rein, foie, équilibre alimentaire), ou liés à l'immobilité, note le spécialiste. Devant un lymphœdème, il faut faire l'inventaire de tous ces facteurs car leur contrôle est important pour stabiliser la maladie. Il faut également évaluer la part de fibrose et d'adipose pour adapter la prise en charge thérapeutique ".

Complications

Le lymphœdème entraîne un handicap du fait de l'excès de volume du membre atteint, des limitations des mouvements liés à ce volume et à la fibrose sous-cutanée. Le Dr Patrick Carpentier ajoute : "il est également sensible aux infections locales, notamment à streptocopque, qui peuvent se généraliser plus facilement ; c'est l'érésipèle, qui est une infection grave, septicémique, qui répond bien aux antibiotiques quand elle est prise en charge précocement, mais nécessite une prévention par une attention particulière à l'état cutané, et aux petites plaies qui sont parfois négligées comme les intertrigos (mycoses) des orteils ". En dehors de leur risque propre, les épisodes infectieux s'accompagnent souvent d'une aggravation en volume et en fibrose du lymphœdème.

Traitements : comment soigner le lymphœdème ?

Le lymphœdème est une maladie chronique pour laquelle il n'existe pas de traitement curatif à ce jour ; la chirurgie et la génétique nourrissent des espoirs thérapeutiques, mais aucune piste ne s'avère concluante pour le moment. "Néanmoins, une prise en charge de qualité permet presque toujours une réduction partielle puis une stabilisation du volume du membre, et une amélioration importante de la qualité de vie ", rassure le médecin vasculaire. Cette prise en charge comprend habituellement une phase d'attaque et une phase d'entretien :

  • Le traitement d'attaque, d'une durée de 2 à 3 semaines, le plus souvent en centre de rééducation, associe des bandages multicouches, des séances de massage de type drainage lymphatique ou mobilisation tissulaire selon l'état local et un parcours d'éducation pour aider le patient à bien comprendre la situation et à s'autonomiser le plus possible dans les soins ultérieurs. 
  • Le traitement d'entretien repose principalement sur la compression : un bas ou un manchon élastique de compression forte assez rigide, indispensable pour maintenir le résultat, que le patiente complète par des auto-bandages et auto-drainages selon ce qu'il a pu apprendre, et par une optimisation de son hygiène de vie : entretien de son état cutané, de son équilibre alimentaire, d'une bonne activité physique et musculaire. 
  • "Selon la qualité de la stabilisation obtenue, on pourra refaire de loin en loin une phase de traitement intensif analogue au traitement d'attaque ou quelques séances de massages de type drainage lymphatique ou mobilisation tissulaire selon les cas, voire une cure thermale dans l'une des stations phlébologiques qui se sont spécialisées dans cette pathologie : Argelès-Gazost, Luz-Saint-Sauveur et La Léchère ", indique le Dr Carpentier.
  • "Il n'y a aucune thérapeutique médicamenteuse, phyto-thérapeutique ou autre qui puisse être recommandée actuellement, et il faut soigneusement éviter les nombreux "traitements miracles" qui au mieux sont inutiles, mais peuvent parfois être dangereux. Il est important que l'ensemble de la prise en charge soit supervisée par un médecin vasculaire, qui, dans certains cas particulièrement complexes, pourra recourir au réseau des centres experts en lymphœdème ", prévient le spécialiste. 

Merci au Dr Patrick Carpentier, Professeur Emérite de Médecins Vasculaires à l'Université Grenoble-Alpes et Directeur du Centre de Recherche Universitaire de La Léchère.