Arthrographie : technique, genou, hanche, pour qui ?

L'arthrographie (aujourd'hui arthroscanner) est un examen permettant de visualiser les articulations (genou, hanche, poignet, épaule, cheville) et pratiqué en complément de l'IRM. Définition, contre-indications, technique et déroulé avec le Dr Alexandre Gozlan, médecin radiologue.

Arthrographie : technique, genou, hanche, pour qui ?
© shidlovski - 123RF

Définition : qu'est-ce qu'une arthrographie ?

L'arthrographie est un examen radiologique d'une articulation après injection d'un produit de contraste dans la cavité articulaire, dans le but d'en visualiser les éléments constitutifs principaux : des tendons, des ligaments, du cartilage et des fibrocartilages. L'arthrographie permet également le guidage radiographique d'une infiltration, c'est-à-dire l'injection d'un médicament antiinflammatoire (Cortisone), d'un gel visqueux lubrifiant (acide hyaluronique), ou plus récemment d'un concentré de plasma riche en plaquettes (prélevé sur le patient) dans une articulation. "Le produit de contraste permet de confirmer la bonne position de l'aiguille dans l'articulation, puis l'inflation par l'eau se fait progressivement en évitant la rupture de la capsule. Une infiltration cortisone peut être ajoutée. Ce geste permet ensuite à la kinésithérapie, qui vient en suivant, de pouvoir récupérer des amplitudes de mouvement. Le scanner n'est pas nécessaire dans la distension arthrographique, la radiographie suffit", poursuit notre interlocuteur.

L'arthrographie distensive (plus communément appelée "capsulodistension") est aussi un geste thérapeutique comme l'infiltration, et consiste à injecter très doucement un liquide (souvent de l'eau froide) dans l'articulation afin de récupérer progressivement un volume et briser les adhérences qui peuvent restreindre les mouvements. "La distension est réservée aux capsulites rétractiles de l'épaule (inflammations de la membrane articulaire réduisant le volume articulaire, ce qui fait mal et limite l'amplitude des mouvements)", explique le Dr Alexandre Gozlan, médecin radiologue.

Quelle différence avec un arthroscanner ?

Toutes les articulations cartilagineuses du corps peuvent ainsi être explorées, même les plus petites

"Aujourd'hui l'arthroscanner est constitué de deux phases : la première est l'arthrographie, se limitant au remplissage radio guidé de l'articulation par le produit iodé, la seconde est la réalisation du scanner avec le produit en place et l'interprétation des images par le radiologue" explique le Dr Gozlan. Son avantage par rapport à la radiographie est conséquent, commente le radiologue, "car il possède une vision tridimensionnelle avec une très grande résolution spatiale des articulations remplies par le produit de contraste, chose que faisait beaucoup moins bien la radiographie. Toutes les articulations cartilagineuses du corps peuvent ainsi être explorées, même les plus petites".

Quelle est la technique ?

"Le principe de l'arthroscanner consiste donc à injecter un produit de contraste iodé à l'intérieur de l'articulation, pour pouvoir révéler des structures qu'un scanner normal sans ce produit ne verrait pas", définit le Dr Gozlan. Le produit de contraste iodé arrête les rayons X et recouvre les surfaces qui nous intéressent, en l'occurrence :

  • Le cartilage intra-articulaire ;
  • Les tendons (du moins la face en contact avec la cavité et donc le produit) ;
  • Accessoirement les ligaments ;
  • Tout élément anormal qui pourrait se retrouver dans l'articulation.

La procédure de l'arthroscanner est la suivante, détaille le Dr Gozlan :

► Une fois le patient installé sur la table, on désinfecte la zone ciblée avec de la Bétadine (ou autre solution asceptisante), puis on met un champ stérile afin d'isoler la zone ;

► Sous contrôle de la fluoroscopie (radiographie vue en direct sur un écran), on réalise une anesthésie locale jusqu'à être dans l'articulation qui nous intéresse ;

► On remplit l'articulation avec le produit de contraste ;

► Une fois que le produit est dans l'articulation, le patient se dirige jusqu'au scanner, qui est réalisé en quelques secondes ;

► L'examen est ensuite interprété.

Arthrographie du genou : pour qui ?

"Grâce à son excellente résolution spatiale, est un examen de choix pour l'exploration du cartilage dans l'arthrose par exemple, et pour les lésions du ménisque douteuses sur l'IRM", indique le Dr Gozlan. Il peut aussi révéler les débris éventuels qui peuvent se balader dans l'articulation, et qui sont parfois tellement petits que l'IRM manque de résolution spatiale. "Toutefois, en dehors de l'os également très bien analysé, il faut savoir que l'arthroscanner possède un accès très limité à ce qui est extra-articulaire (à l'extérieur de l'articulation), contrairement à l'IRM", précise le Dr Gozlan. Ainsi, les deux examens sont parfois complémentaires car ils ne donnent pas forcément les mêmes informations. Il n'est toutefois pas obligatoire qu'ils soient réalisés ensemble. "Par exemple, si l'IRM révèle une fissure évidente au niveau d'un ménisque, il n'y aura souvent pas besoin de compléter le diagnostic avec un arthroscanner pour que le chirurgien décide d'intervenir. En revanche, si le spécialiste a besoin d'une analyse précise du cartilage, dans ce cas l'arthroscanner va être plus intéressant, car il fournira une information plus précise", observe-t-il. 

Arthrographie de la hanche : pour qui ?

L'arthroscanner de la hanche est effectué la plupart du temps pour visualiser :

  • Le cartilage dans un contexte d'arthrose ;
  • L'acétabulum de la hanche, élément stabilisateur qui peut générer des douleurs chroniques de la hanche s'il est fissuré.

Arthrographie de l'épaule : pour qui ?

L'arthroscanner de l'épaule est "un examen extrêmement pertinent pour révéler et évaluer les fissures et ruptures des tendons", rapporte le Dr Gozlan. Il est très souvent prescrit dans les suites d'une échographie qui a dépisté le problème, et reste indispensable pour éclairer la consultation avec le spécialiste. Il est aussi très utile pour un diagnostic complet des instabilité chronique de l'épaule. "L'arthroscanner surpasse très souvent l'IRM pour l'analyse globale de l'épaule, et obtenir des informations sur le cartilage, les os sous le cartilage, les muscles les ligaments et les tendons", complète-t-il.

Arthrographie du poignet : indications ?

"Une des indications principales de l'arthroscanner du poignet sont les instabilités du poignet par rupture des ligaments, car ce sont de très petites structures. L'arthroscanner est également très utile pour évaluer le degré d'usure du cartilage, dans l'arthrose ou les maladie rhumatismales", répond notre interlocuteur.

Est-ce que ça fait mal ?

L'arthroscanner ne fait pas mal, tout simplement car le geste est très rapide et se réalise sous anesthésie locale

"C'est une question qui revient souvent, et qui inquiète beaucoup. Pourtant, l'arthroscanner (couplé ou non à une infiltration) ne fait pas mal, tout simplement car le geste est très rapide et se réalise sous anesthésie locale. Le ressenti est très souvent proportionnel au niveau d'anxiété du patient avant l'examen", rassure-t-il.

Quelles précautions prendre avant ?

"Avant de réaliser l'examen, comme pour toute substance injectable (ou ingérable) utilisée en médecine, nous demandons systématiquement au patient s'il a déjà fait une réaction au produit de contraste que nous allons utiliser. Ces produits ne sont pas plus allergisants que n'importe quel autre, contenant de l'iode ou pas, et la notion d'allergie à l'iode est aujourd'hui totalement obsolète. Auquel cas, on pourra utiliser un autre produit iodé (ce n'est pas parce qu'on est allergique à un produit de contraste qu'on le sera aux autres)", indique le Dr Gozlan. Certaines classes d'anticoagulants nécessitent de réaliser au préalable une prise de sang, afin de contrôler très précisément le niveau d'anticoagulation et de prévenir les risques de saignements. Il s'agit dans ce cas précis des anti-vitamines K et de l'héparine. "On injecte également un liquide supplémentaire dans l'articulation, ce qui crée un petit épanchement artificiel", ajoute le radiologue. Il est donc recommandé de ne pas faire d'activité excessive dans les heures qui suivent le temps que le produit soit éliminé.

Quels sont les risques et effets secondaires ?

Il est recommandé de ne pas faire d'activité excessive dans les heures qui suivent le temps que le produit soit éliminé spontanément par l'organisme

"Il n'y a quasiment aucun effet secondaire, sauf exceptionnelle réaction allergique. Il peut parfois y avoir une gêne au niveau du genou à cause de l'épanchement artificiel créé, mais il disparaît rapidement", explique le radiologue. Il est donc recommandé de ne pas faire d'activité excessive dans les heures qui suivent le temps que le produit soit éliminé spontanément par l'organisme. "Il est important de préciser que la quantité de produit injectée pour un arthroscanner est tellement faible que l'impact sur la fonction rénale est quasiment inexistant, y compris chez les insuffisants rénaux", ajoute-t-il. Il n'existe pas de risque rénal comme il peut en exister dans d'autres scanners avec une injection de produit de contraste intraveineuse. De plus, lors de la préparation du patient, la désinfection cutanée est soigneuse et le risque infectieux, bien que non nul, reste très faible.

Quelles sont les contre-indications ?

"Certains traitements anticoagulants peuvent être des contre-indications à l'arthroscanner, mais en réalité, il y en a très peu", indique le Dr Gozlan. C'est le cas si vous prenez des nouveaux anticoagulants oraux (NACO) : "il n'existe encore aucun contrôle biologique du niveau d'anticoagulation pour ces traitements, ni d'antidote si un saignement survient. Il sera donc  difficile à contrôler. L'examen peut éventuellement être réalisé, s'il n'existe pas d'alternative, sous condition d'une interruption   temporaire du traitement quelques jours avant, avec l'accord bien évidemment du médecin prescripteur. Enfin, nous différons la réalisation l'examen lorsqu'il existe un contexte infectieux, même si toutes les règles d'hygiène sont respectées pendant la procédure", conclue-t-il.

Merci au Dr Alexandre Gozlan, médecin radiologue.