Allergies ophtalmiques : quels traitements ?

Les allergies ophtalmiques sont une cause fréquente de consultation chez les ophtalmologues. Souvent invalidantes pour le patient, elles ne doivent pas être prises à la légère. Des formes sévères existent, pouvant entraîner des complications locales. Explications avec le Dr Serge Doan, ophtalmologue.

Allergies ophtalmiques : quels traitements ?
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Définition : qu'est-ce qu'une allergie oculaire ? 

L'allergie oculaire est une inflammation de l'œil causée par des allergènes, tels que les pollens, les moisissures, les acariens (composant de la poussière de maison) ou les poils d'animaux (chat, chien cheval…). "Au contact de l'allergène, les cellules de l'allergie produisent de l'histamine qui provoque démangeaisons, rougeur et gonflement, explique le Dr Serge Doan, ophtalmologue. L'allergie peut ainsi se manifester par une atteinte oculaire, une rhinite, un asthme, un eczéma, un urticaire, ou une allergie alimentaire". Les allergies oculaires prennent le plus souvent la forme d'une conjonctivite qui est fréquemment associée à une rhinite, c'est la rhino-conjonctivite. Lorsqu'elle est liée aux pollens printaniers, c'est le rhume des foins. "L'eczéma des paupières est une autre forme d'allergie oculaire. Il survient soit dans le cadre d'une allergie de contact au maquillage, aux bijoux ou à une pommade/un collyre oculaire, soit en rapport avec un eczéma plus diffus dans une dermatite atopique", ajoute le médecin. Très rarement, la cornée (hublot transparent de l'œil) peut être atteinte au cours d'une allergie oculaire, c'est la kérato-conjonctivite, forme grave d'allergie oculaire. Dans ce cas, la vision peut être atteinte. 

Symptômes

Les symptômes sont variés. Les plus fréquents sont des démangeaisons (prurit), des picotements, une sensation de grain de sable ou de brulure oculaire, une rougeur des yeux, un larmoiement, des sécrétions (impuretés) avec yeux collés le matin ou un gonflement des paupières. Les deux yeux sont atteints en général. En cas de kératite (une douleur oculaire), un éblouissement à la lumière et une baisse de vision peuvent être présents. En cas de rhinite associée, le nez coule, se bouche, démange, avec éternuements. Dans une allergie aux pollens, les symptômes reviennent chaque année à la même saison. Ils seront plus chroniques en cas d'allergie aux acariens ou aux autres allergènes de maison.

Qui consulter ? 

Le diagnostic de conjonctivite allergique est souvent aisé. Le pharmacien ou le médecin généraliste ont l'habitude de prendre en charge les formes non compliquées non sévères. "Mais seul l'ophtalmologiste peut diagnostiquer et traiter une forme sévère avec kératite, insiste le spécialiste. Il faudra le consulter en cas d'échec d'un premier traitement, ou si signes de kératite (douleur, éblouissement à la lumière, baisse de vision)". L'allergologue peut, lui, déterminer quel allergène précis est responsable de l'allergie oculaire. Il peut aussi prendre en charge les autres allergies non oculaires, et prescrire une désensibilisation.

Traitements : comment soigner une allergie oculaire ? 

Le traitement de l'allergie comprend les mesures d'éviction quand elles sont possibles. Elles représentent le premier des traitements afin d'éviter tout contact avec l'allergène et ou de diminuer l'apparition des symptômes. Elle est particulièrement importante en cas d'allergie aux acariens.

Les collyres

On distingue les collyres antihistaminiques, des collyres antidégranulants. "Les collyres antihistaminiques représentent le traitement de la crise allergique car ils agissent rapidement en neutralisant l'effet de l'histamine, assure notre interlocuteur. Les collyres antidégranulants mastocytaires ont théoriquement un effet plutôt préventif car mettent plus de temps à agir. Ils empêchent la libération d'histamine par les cellules de l'allergie et doivent être prescrits avant que l'allergie ne survienne. En pratique, ils peuvent être cependant efficaces pour les allergies modérées". Certains collyres combinent un effet antihistaminique et antidégranulant. A noter qu'il faut préférer les collyres sans conservateurs chez les allergiques. Les conservateurs comme le chlorure de benzalkonium sont utilisés dans certains flacons pour éviter leur contamination microbienne. Ils peuvent induire une allergie oculaire et avoir un effet toxique sur la surface oculaire. La durée du traitement dépend de la durée des symptômes, mais ces collyres peuvent être pris de façon chronique s'ils ne contiennent pas de conservateurs.

  • Les collyres anti histaminiques comme l'allergodil®, le lévophta® ou le Levofree® (sans conservateur) font partie de l'arsenal thérapeutique des conjonctivites allergiques.
  • Les antidégranulants mastocytaires comprenant du Cromoglicate de sodium, se prescrivent dans la prévention de la conjonctivite allergique pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois. Citons parmi les plus utilisés, l'opticron®, le Naabak®, le multicrom®, le cromedil® et le cromabak®.
  • Les collyres associant les propriétés des collyres antiH1 et des collyres antidégranulants comme le zalerg (sans conservateur) ou le monokéto sont souvent prescrits.

Les corticoïdes locaux

"Les corticoïdes en collyre ou pommade ophtalmique sont très efficaces sur les allergies oculaires, mais comportent des risques de développer une complication en cas d'abus ou d'erreur diagnostique. Ils peuvent favoriser un herpès, un glaucome ou une cataracte", conclut notre spécialiste. C'est pourquoi ils sont réservés aux formes sévères et ne peuvent être prescrits pendant une courte durée que par un ophtalmologue.

La désensibilisation

Encore appelée immunothérapie spécifique ou encore vaccinothérapie des allergies, la désensibilisation constitue à ce jour le seul traitement pouvant permettre de guérir de certaines allergies comme par exemple celle liée aux acariens, aux pollens et aux hyménoptères. Cette méthode consiste à réhabituer progressivement l'organisme à l'allergène mis en cause, en lui administrant des doses croissantes d'un vaccin allergénique, jusqu'à obtenir la dose efficace. Les médicaments anti histaminiques quant à eux peuvent contribuer à l'amélioration des manifestations allergiques ophtalmiques.

Mesures préventives

Le port de lunettes solaires permettant une protection des yeux, l'application de compresses froides et les rinçages oculaires avec du sérum physiologique ou l'instillation de larmes artificielles représentent des gestes simples qui peuvent soulager les premiers symptômes.

Merci au Dr Serge Doan, ophtalmologue à l'Hôpital Bichat et à l'Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild à Paris.