Allergie alimentaire du bébé : symptômes, que faire ?

Les allergies alimentaires sont fréquentes chez l'enfant. Chez le nourrisson elles donnent rarement lieu à des réactions allergiques graves et certaines disparaissent dans l'enfance. Le point avec le Dr Habib Chabane, allergologue.

Allergie alimentaire du bébé : symptômes, que faire ?
© Olesia Bilkei- 123RF

Définition

"Une allergie alimentaire se définit par une réaction anormale qui se produit à une dose normalement tolérée par les sujets sains. Cette réaction n'est ni d'origine toxique (sinon, chacun réagirait), ni liée à une intolérance (en cas de déficit enzymatique)" informe le Dr Habib Chabane, allergologue à Paris. Une allergie alimentaire est ainsi une réaction d'hypersensibilité à un aliment. Les allergies alimentaires peuvent être à réaction immédiate : ce sont les allergies IgE 1 dépendantes, ou à réaction retardée : ce sont les allergies non IgE-dépendantes.

Fréquence de l'allergie alimentaire chez le bébé

"En France, 6 à 7 % des enfants de moins de 16 ans, présentent des allergies alimentaires selon les parents" indique le Dr Habib Chabane. Cependant, seul 1 % des enfants ont une allergie immédiate confirmée par test de provocation orale en milieu hospitalier, "Les formes graves d'allergie alimentaire, appelées anaphylaxies, sont plutôt rares chez les nourrissons (enfants de moins de 2 ans). On estime entre 5 à 20 % les anaphylaxies qui touchent les nourrissons. Les réactions allergiques graves apparaissent surtout à l'âge scolaire, soit au-delà de l'âge de 3 ans" complète-t-il.

Les aliments en cause

"Le premier aliment en cause dans les allergies retardées non IgE-dépendantes est le lait de vache, et cela jusqu'à l'âge d'un an. Parmi les aliments en cause après la diversification, un autre allergène fréquent est l'œuf, mais d'autres aliments peuvent être en cause comme les légumineuses, le blé, le soja, le poisson, et après 18 mois les fruits à coque et l'arachide " informe l'allergologue qui précise que 50 % des allergies à la cacahuète sont diagnostiquées avant l'âge de 3 ans.

"Elles disparaissent dans 80-90 % des cas avant l'âge de 2 ans lorsqu'elles concernent le lait, l'œuf ou le blé"

Symptômes

Les allergies les plus fréquentes chez le nourrisson sont les allergies non IgE-dépendantes. "Elles peuvent se manifester par un eczéma atopique du nourrisson. 20% des nourrissons ont de l'eczéma. Cette pathologie associée à l'allergie peut être associée à une sensibilisation aux protéines de lait, à l'œuf, au blé, à l'arachide, indique l'allergologue. Les allergies digestives sont la deuxième forme la plus fréquente d'allergie alimentaire non IgE-dépendante : les nourrissons régurgitent anormalement, plusieurs fois par jour et systématiquement après le biberon ou une tétée, ce reflux gastro-œsophagien va occasionner une œsophagite qui fait très mal (le bébé pleure, beaucoup, demande à téter sans arrêt, se réveille 5 ou 6 fois par nuit…), vomissent, et/ou ont la diarrhée, informe le Dr Habib Chabane. Cela peut entraîner 1 Immunoglobuline E un trouble de croissance avec un ralentissement voire une cassure de la courbe de poids. C'est un signal qui doit alarmer" prévient l'allergologue. "Plus rarement, une allergie alimentaire retardée peut se traduire par des selles sanglantes. C'est la procto-colite hémorragique aux protéines de lait du nourrisson". Ce signe doit faire
arrêter tout de suite les protéines de lait de vache. "Mais que les parents se rassurent, c'est une forme bénigne qui guérit en 2 à 4 mois. Des vomissements et une diarrhée chronique chez un nourrisson nourri au biberon sans cause identifiée, ou des épisodes de vomissements incoercibles, récurrents souvent accompagnés d'un état de léthargie lors de la diversification alimentaire, doivent faire évoquer un syndrome d'entérocolite aux protéines alimentaires (SEIPA). Les aliments en cause sont le lait de vache, des céréales (blé, riz, avoine), l'œuf, les viandes (poulet, dinde), le poisson, des légumineuses..." signale le Dr Habib Chabane, qui précise qu'il s'agit d'une forme d'allergie plutôt rare. "Chez le nourrisson, une allergie alimentaire immédiate, IgE-dépendante, se manifeste assez
fréquemment par une urticaire aiguë
(plaques rouges qui démangent) et/ou un angio-œdème (des gonflements). Les anaphylaxies sont rares avant l'âge de 2 ans et parfois difficiles à diagnostiquer. Le diagnostic se fait sur des signes visibles : l'enfant a gonflé, a du mal à respirer, a vomi, a perdu connaissance...
" informe l'allergologue. 

Allergie alimentaire du bébé et urticaire : que faire ?

Si votre nourrisson présente de l'urticaire ou des gonflements suite à la consommation d'aliments, il convient de prendre rendez-vous avec votre médecin traitant ou votre pédiatre, en lui indiquant ce que l'enfant a mangé. Il vous adressera à un spécialiste en allergologie qui effectuera chez votre enfant des tests cutanés, voire sanguins.

Que faire ?

"Il faut savoir que la particularité des allergies alimentaires du nourrisson est qu'elles disparaissent dans 80-90 % des cas avant l'âge de 2 ans lorsqu'elles concernent le lait, l'œuf ou le blé" informe l'allergologue. Seulement 1% des nourrissons allergiques aux protéines de lait de vache le sont encore à l'âge de 6 ans. L'allergie à l'œuf et celle au blé à la viande de bœuf/veau disparaissent elles aussi rapidement. Cependant, certaines allergies persistent. "L'allergie à l'arachide et à la noisette disparaissent spontanément dans seulement 20 % des cas. Les allergies au poisson, fruits (kiwi) et légumineuses (lentille, pois) persistent dans 50 % des cas" enseigne l'allergologue. Côté traitements, l'urticaire et les œdèmes sont des symptômes habituellement bien contrôlés par la prise d'antihistaminique. Parfois un corticoïde par voie orale est nécessaire. Cependant, "en cas de choc anaphylactique une injection d'adrénaline est nécessaire. L'adrénaline injectable pédiatrique est conçue pour des enfants de 15 à 25 kg mais il n'y a pas de risque de
surdosage si on doit l'utiliser pour un nourrisson à partir de 10 kg,
 informe le Dr Habib Chabane. Le traitement des allergies alimentaires repose aussi sur l'éviction. Les formes d'allergie alimentaire non IgE-médiées comme le SEIPA disparaissent en général sous régime d'éviction après un délai moyen de 2 à 3 ans, mais plus rarement pour le poisson. Outre l'éviction, une induction de tolérance peut être mise en place pour les allergies immédiates IgE-dépendantes au lait, à l'œuf, au blé, avec l'allergologue. Cela fonctionne moins bien avec d'autres aliments" indique l'allergologue. Elle consiste en la prise quotidienne de doses progressivement croissantes de l'aliment, jusqu'à obtenir la tolérance d'une ration normale de l'aliment. "Un nouveau traitement va bientôt arriver en France pour l'allergie à l'arachide, en 2021 au plus tard, annonce le Dr Habib Chabane. Ce traitement destiné aux enfants de 4 à 11 ans va leur permettre d'acquérir une tolérance à l'arachide dans un délai de 12 à 24 mois avec des gélules contenant des quantités croissantes d'allergène standardisé. On ne sait pas si elle sera permanente à l'arrêt du traitement, explique-t-il. D'autres traitements par patch sont en cours d'évaluation pour traiter les allergies à l'arachide (prévus pour 2021) et plus tard pour les allergies au lait et à l'œuf. "

Prévention

Les mesures de prévention ont changé suite aux études menées il y a un peu plus d'une dizaine d'années. "Ces études ont montré que l'introduction précoce des aliments réduit statistiquement les allergies, explique le Dr Habib Chabane. Les recommandations
aujourd'hui sont d'introduire tous les aliments, y compris ceux considérés comme fortement allergisants (les cacahuètes ou les fruits à coque par exemple) autour de l'âge de 6 mois,
mais pas avant l'âge de 4 mois, et au plus tard à l'âge de 11-12 mois
, indique-t-il. Le fait d'introduire tous les allergènes alimentaires potentiels avant l'âge d'un an permet au système immunitaire de développer une tolérance, informe l'allergologue. En revanche, si l'enfant fait une réaction allergique, il faut arrêter l'introduction d'aliments
et consulter un spécialiste.
"
Merci au Dr Habib Chabane, allergologue. Auteur de "Les allergies alimentaires : diagnostic, traitements et perspectives", Editions Vigot 2017.