La phytothérapie par le docteur Lorrain
Quand on parle de phytothérapie, on distingue la phytothérapie traditionnelle de la phytothérapie scientifique, clinique. Compte tenu de son parcours, le docteur Eric Lorrain, président de l'Institut Européen des Substances Végétales et qui prône l'extraction Phytostandard, porte un regard des plus intéressants sur cette distinction. Interview.
Santé Médecine - Qu'est-ce qu'on entend en premier lieu par phytothérapie ?
Eric Lorrain - La phytothérapie utilise les substances actives des plantes non toxiques et appartenant à la pharmacopée pour créer un effet contraire à celui de la maladie. Contrairement à l'allopathie conventionnelle qui utilise des molécules de synthèse, la phytothérapie emploie des molécules végétales. Voilà pour le principe. Ensuite, on distingue la phytothérapie traditionnelle, qui s'apparente à l'utilisation empirique et ancestrale des plantes à des fins thérapeutiques, de la phytothérapie scientifique.
Santé Médecine - Quelle est la différence entre phytothérapie traditionnelle et phytothérapie moderne ?
Eric Lorrain - Les cataplasmes et les tisanes font plutôt partie de la phytothérapie traditionnelle, alors que la phytothérapie clinique repose sur une validation scientifique. On distingue ainsi la « tisanothérapie » de nos grands-mères (qui ont leur efficacité) de la phytothérapie médicale qui répond à des critères scientifiques et modernes, à un cahier des charges rigoureux établi par les pouvoirs publics. La deuxième découle directement de la première, d'une longue évolution, des progrès de la science.
Santé Médecine - La phytothérapie moderne est donc plus efficace que la phytothérapie traditionnelle ?
Eric Lorrain - Il n'y a rien de discriminant dans cette distinction, tout dépend en fait de l'action thérapeutique de la plante concernée. Elle n'est pas la même en fonction de sa forme galénique (mode de préparation, d'extraction ou d'administration). Pour prendre un exemple, l'utilisation thérapeutique de la grande camomille contre la migraine remonte à une tradition séculaire. Elle est déjà efficace sous forme de tisane, mais son action est plus pertinente sous forme d'EPS, le mode d'extraction breveté Phytostandard, mis au point par le pharmacologue Daniel Jean.
Santé Médecine - Comment fonctionne la phytothérapie ?
Eric Lorrain - Il y a une spécificité du diagnostic en phytothérapie. La phytothérapie moderne considère l'individu dans sa globalité, sans se limiter aux seuls symptômes. On procède à un diagnostic par système : endocrinien, vasculaire, neurologique, immunitaire, inflammatoire, de soutien (intestins, foie, reins...). Ensuite, on établit si le traitement adéquat est un traitement plutôt d'attaque, de charge ou d'entretien.
Santé Médecine - La phytothérapie est-elle une discipline bien encadrée ?
Eric Lorrain - Elle est de plus en plus encadrée. Avec un renforcement réglementaire des bonnes pratiques, l'existence de diplômes universitaires de phytothérapie, des études scientifiques de plus en plus nombreuses, le champ de la connaissance qui s'élargit, la phytothérapie est une discipline de plus en plus encadrée et le marché de la phytothérapie s'en retrouve assaini.
Santé Médecine - Comment éviter les charlatans ?
Eric Lorrain - Pour procéder à des diagnostics bien spécifiques, il faut être un phytothérapeute confirmé, ayant reçu une formation sérieuse, et disposant au mieux d'un diplôme inter-universitaire de phytothérapie. Le médecin phytothérapeute formé est à même d'établir un diagnostic précis avec un traitement adapté, connait les précautions d'emploi et les contre-indications à respecter. Un naturopathe qui souhaite se former à la phytothérapie peut passer des modules de phytothérapie, soit en devenant adhérant à l'IESV, soit via l'OMNES qui valide la formation continu en phytothérapie pour les naturopathes.
Santé Médecine - Il y a un véritable engouement pour les médecines alternatives et complémentaires, d'où cela vient-il d'après vous ?
Eric Lorrain - Notamment d'un ras-le-bol d'excès liés à l'usage de médicaments de synthèse, aux scandales sanitaires (risques cardiovasculaires générés par le Diclofénac, certaines pilules contraceptives...). Après avoir été « gavés » de médicaments, les gens veulent revenir à des choses plus naturelles, comme les EPS par exemple. A efficacité égale, on préfère les plantes ! Et puis les gens sont curieux des progrès des pratiques médicales. Pour autant, il y a toujours eu un intérêt pour la phytothérapie, d'autant que celle-ci s'est dotée d'un aspect scientifique rigoureux ces dernières années. La médecine évolue, s'ouvre, la phytothérapie se professionnalise et tend à se développer, même s'il y a encore un peu de retard au niveau des remboursements par les mutuelles et assurances complémentaires.
Santé Médecine - Le fait qu'un médicament soit remboursé par la Sécurité Sociale a-t-il un effet sur son utilisation ?
Eric Lorrain - Oui bien sûr, il y a encore une idée reçue sur le fait qu'un médicament remboursé serait plus efficace. Or c'est faux. Les décisions en matière de financement collectif n'ont rien à voir avec l'efficacité du médicament. Pendant les Trente Glorieuses, l'apologie de la pharmacologie scientifique a fait qu'elle a pris le pas sur celle des plantes, dont l'utilisation est désormais considérée comme relevant d'un choix individuel, d'où non prise en charge collective. La pratique de la phytothérapie est même « déremboursée » par la Sécurité Sociale depuis 1990. En revanche, si les produits naturels sont moins bien remboursés, ils sont mieux utilisés car il y a une vraie responsabilisation, du coup on en a pour son argent.
Santé Médecine - Quel est le rôle des autorités de santé publique ?
Eric Lorrain - Il faut distinguer l'aspect réglementaire des autorités sanitaires de l'aspect scientifique en phytothérapie. Les autorités sanitaires sont là pour établir des recommandations destinées au grand public, elles se prononcent par exemple contre l'automédication, et les docteurs nuancent ensuite ces recommandations, d'autant que sur le plan européen par exemple, l'EMA (European Medicines Agency) émet des recommandations hyper restrictives par rapport à celles de la France.
Lire aussi « 100 questions sur la Phytothérapie » du Docteur Eric Lorrain, Editions La Boétie, 2013.
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