Nodules thyroïdiens - Recommandations de prise en charge (SFE)
La Société française d'endocrinologie (SFE) a publié en septembre 2011 ses recommandations de prise en charge des nodules thyroïdiens, qui constituent une actualisation du rapport sur la prise en charge diagnostique du nodule thyroïdien de 1995, publié par l'Agence nationale d'évaluation médicale (ANDEM). Ces recommandations apportent des précisions sur l'évaluation clinique, biologique, échographique et cytologique des nodules thyroïdiens, en vue d'une meilleure orientation diagnostique. Elles donnent également des indications sur les stratégies thérapeutiques et de surveillance à mettre en oeuvre pour traiter et prévenir les nodules thyroïdiens malins, qui représentent 5% des cas de cancers.
- Notre vidéo
- Nodules thyroïdiens : marqueurs cliniques du risque de cancer
- Mesures biologiques
- Évaluations échographiques
- Quels nodules faut-il ponctionner (cytoponction) ?
- Quand répéter l'examen cytologique ?
- Quelle place pour l'immuno-cytochimie ?
- Place des scintigraphies
- Stratégies thérapeutiques et de surveillance
- Source
Notre vidéo
Les précisions du docteur Pierrick Hordé
Nodules thyroïdiens : marqueurs cliniques du risque de cancer
La SFE rappelle les principaux marqueurs cliniques du risque de cancer en présence d'un nodule thyroïdien :
- Âge : inférieur à 16 ans ou >supérieur 65 ans
- Sexe masculin
- Hérédité de carcinome papillaire, d'épithélioma médullaire ou de néoplasie endocrinienne multiple de type 2
- Nodule récemment apparu ou rapidement évolutif
- Nodule dur, irrégulier, ou fixé
- Coïncidence de différentes pathologies : maladie de Cowden, de polyadénomatose colique familiale isolée, syndrome de Gardner, etc.
- Antécédent d'irradiation cervicale
- Adénopathie proximale
Mesures biologiques
La mesure initiale de la TSH est-elle suffisante ?
La Société française d'endocrinologie (SFE) rappelle que toutes les recommandations sont unanimes sur le fait que le dosage de TSH suffit en première intention. Les déterminations ultérieures permettent de quantifier et préciser l'origine de d'une éventuelle dysfonction : dosages de T3 et T4 libres si la TSH est basse, ceux de T4 libre et d'anticorps antiTPO si la TSH est accrue. Il n'est pas nécessaire de mesurer le taux de thyroglobuline circulante, qui ne constitue pas un marqueur de malignité.
Faut-il doser systématiquement la calcitonine ?
Le dépistage du carcinome médullaire de la thyroïde (CMT) par le dosage systématique de la calcitonine (CT) en pathologie nodulaire thyroïdienne est toujours controversé.
Afin d'éviter les prises en charge thérapeutiques inadaptées, la SFE recommande au minimum de mesurer la CT :
- dans un contexte héréditaire connu de CMT, de diarrhée motrice, ou de de flush,
- en cas de suspicion de malignité,
- avant toute intervention pour goitre ou nodule.
Par ailleurs, la mesure de la calcitonine est envisageable lors de l'évaluation initiale d'un nodule, sans nécessité de répéter sa mesure si la valeur est normale.
D'après la recommandations de la SFE, la valeur diagnostique d'un taux accru de la calcitonine basale est à apprécier en comparaison du volume du nodule, et en confrontation :
- Avec les données de l'examen cytologique
- Avec l'âge, le sexe, l'état du poids, de la fonction rénale, le tabagisme actuel. Les taux de calcitonine sont en effet fréquemment accrus chez les hommes d'âge mûr, en surpoids, ayant beaucoup fumé.
En cas d'augmentation modérée de la calcitonine, la SFE recommande d'effectuer un deuxième contrôle après 3-12 mois, selon le contexte clinique.
En cas d'élévation permanente de la CT (> 15 pg/ml chez la femme, > 30 pg/ml chez l'homme) :
- Envisager la chirurgie, si (en l'absence d'autre cause individualisée) la CT basale excède 50 pg/ml ou si une progression > 20% est constatée,
- Renouveler les mesures, en doublant l'intervalle de surveillance si le taux de CT est stable
- Arrêter les surveillances si le taux de CT a diminué.
Évaluations échographiques
D'après ces recommandations, l'échographie est l'imagerie de référence du nodule thyroïdien pour la détection, le diagnostic, la recherche de signes de malignité et la surveillance du nodule (ou des nodules d'une thyroïde multinodulaire).
Les impératifs de l'examen échographique, l'apport de cette technique d'imagerie, et la caractérisation échographique du ou des nodule(s) sont détaillés en pages 8 et 9 du document.
La SFE rappelle que trois critères fondamentaux de malignité permettent d'opposer ganglion normal et adénopathie :
- La forme : index de Steinkamp < 2 en cas d'adénopathie (rapport du plus grand/le plus petit des 3 diamètres) ;
- La structure : disparition du hile systématique dans les adénopathies,
- Vascularisation : l'adénopathie perd le caractère central de sa vascularisation qui peut devenir diffuse, anarchique, mixte ou périphérique.
Les signes évocateurs de métastases des cancers thyroïdiens :
- Microcalcifications,
- zone kystique,
- ganglion échogène rappelant le parenchyme thyroïdien,
- un petit diamètre supérieur a 7 mm.
Quels nodules faut-il ponctionner (cytoponction) ?
La SFE recommande la cytoponction dans les situations suivantes :
Contexte à risque :
- antécédent de radiothérapie externe dans l'enfance,
- histoire familiale de CMT ou de néoplasie endocrinienne multiple de type 2,
- antécédent personnel ou familial de maladie de Cowden, de polypose familiale, de complexe de Carney, de syndrome de McCune-Albright,
- taux de calcitonine basal élevé à deux reprises,
- nodule avec adénopathie suspecte,
- nodule mis en évidence dans le cadre de l'évaluation d'une métastase prévalente.
Un nodule à risque :
- Nodule avec caractéristiques cliniques suspectes : dureté, augmentation de volume en quelques semaines ou mois, signes compressifs
- nodule ayant augmenté de 20% en volume depuis la dernière estimation de taille,
- nodule présentant deux des critères échographiques de suspicion suivants : solide et hypoéchogène, microcalcifications, limites/bords imprécis, forme plus épaisse (AT) que large (T), vascularisation de type IV.
Les autres situations sont évoquées en page 12 du document.
Les conditions requises pour une cytologie performante et les détails concernant la technique de ponction sont également détaillés à partir de cette page.
Quand répéter l'examen cytologique ?
La question de répéter l'examen cytologique se pose dans deux situations différentes, d'après les recommandations :
- Lorsque le prélèvement est insatisfaisant pour le diagnostic, ou fait état d'une lésion vésiculaire de signification indéterminée. La nouvelle ponction est à réaliser sous guidage échographique (délai de 3 à 6 mois pour les nodules solides, de 6 à 18 mois pour les nodules d'échostructure mixte)
- au cours de la surveillance des nodules à cytologie bénigne. Cette nouvelle ponction peut être réalisée : après 6 mois ou un an lors de la première réévaluation, ou impérativement lorsque des modifications cliniques ou échographiques suspectes le justifient.
Quelle place pour l'immuno-cytochimie ?
La SFE détaille les indications de l'immuno-cytochimie (analyse des cellules in situ par immunofluorescence) en tant que technique diagnostique en page 16 du document.
Place des scintigraphies
D'après les recommandations, la scintigraphie est la seule technique donnant une image fonctionnelle de la thyroïde et permettant la détection de foyers d'autonomisation.
La scintigraphie thyroïdienne est recommandée :
- En première intention, en cas d'hyperthyroïdie biologiquement avérée.
- Elle peut être utile en deuxième intention en présence de goitres multinodulaires (nodules > 10 mm), lorsque les conditions anatomiques ne permettent pas une analyse précise de l'ensemble de la glande en échographie, ou que les nodules ne sont pas accessibles à la cytoponction.
En page 18, les recommandations de la SFE abordent les apports éventuels de l'imagerie conventionnelle par TDM ou IRM, et la TEP au 18-FDG, dans la démarche diagnostique.
Stratégies thérapeutiques et de surveillance
Qui opérer ?
D'après les recommandations, une intervention chirurgicale doit être proposée à un patient en présence :
- D'un nodule malin ou suspect de malignité sur les données cliniques, échographiques ou cytologiques,
- d'une augmentation franche de la calcitonine sérique,
- d'un nodule volumineux responsable de symptômes locaux de compression (troubles de la déglutition,
dysphonie).
- de signes cliniquement, échographiquement ou cytologiquement suspects.
Qui et comment surveiller ?
La SFE précise que la surveillance représente une alternative à la chirurgie pour les patients ayant des nodules non suspects ou bénins, notamment en cytologie.
La surveillance repose sur :
- Un examen clinique avec la recherche de signes fonctionnels ou physiques de dysfonctionnement thyroïdien
- Un contrôle de la TSH, éventuellement complété par un dosage de T3 ou T4 libre une échographie thyroïdienne,
- une nouvelle ponction pour étude cytologique, en cas d'apparition de signes cliniques de suspicion
Un premier examen de surveillance (clinique, échographie, TSH) peut être pratiqué 6, 12 ou 18 mois après le bilan initial, puis selon schéma progressivement espacé après 2, 5 et 10 ans.
En page 19, les recommandations évoquent les indications de l'hormonothérapie frénatrice dans le trairement des nodules thyroïdiens bénins existants.
Les recommandations relatives aux situations particulières (nodules thyroïdiens de l'enfant, nodule thyroïdien et grossesse, incidentalomes thyroïdiens) sont disponibles à partir de la page 20 du document.
Source
« Recommandations de prise en charge des nodules thyroïdiens » (PDF), Société française d'endocrinologie (SFE).
Crédit photo | Fotolia Iurii Sokolov