Syndrome d'Angelman : symptômes, causes, espérance de vie

Le syndrome d'Angelman concerne une 1 naissance sur 12 000 à 20 000 dans le monde. Il affecte très gravement le développement de l'enfant entrainant des troubles moteurs, une déficience intellectuelle... Quelles sont les causes de cette malade rare ? Les symptômes ? Les traitements ? Quelle est l'espérance de vie ? Le Dr Sophie-Dorothée Montagutelli, pédiatre, nous éclaire.

Syndrome d'Angelman : symptômes, causes, espérance de vie
© Aleksandra Tursk (photo prétexte)

Qu'est-ce que le Syndrome d'Angelman ? 

"Il s'agit d'une maladie rare qui touche aussi bien les hommes que les femmes et dont la fréquence est estimée à 1 personne sur 12 000 à 20 000 naissances dans le monde. Ce syndrome est un trouble du neurodéveloppement d'origine génétique qui a été décrit en 1965 par le pédiatre anglais Harry Angelman" commence le Dr Sophie-Dorothée Montagutelli, pédiatre et maman d'un petit garçon atteint du syndrome d'Angelman."Cette maladie affecte très gravement le développement de l'enfant qui se traduit par des troubles moteurs, une déficience intellectuelle souvent sévère, une quasi absence de langage oral et des particularités de comportements avec des personnes qui ont très souvent une apparence joviale." Il ne s'agit pas d'une maladie neurodégénérative : "Il y a un trouble du neurodéveloppement mais pas de dégradation au fil du temps."

A quel âge se déclenche t-il ? 

"Etant donné qu'il s'agit d'une maladie génétique, la maladie est là même avant la naissance" commence la pédiatre. "Les tous premiers signes d'un dérèglement du neuro-développement apparaissent dès le premier trimestre de l'existence même s'ils ne sont pas spécifiques. Cela veut dire qu'en voyant un signe, on ne sait pas forcément qu'il s'agit du syndrome d'Angelman." 

Le syndrome peut-il être identifié pendant la grossesse ? 

"Le diagnostic n'est pas fait en anténatal"

"Le diagnostic n'est pas fait en anténatal, car pendant la grossesse il n'y a rien de spécifique qui pourrait nous faire dire que l'enfant est porteur du syndrome d'Angelman" explique le Dr Sophie-Dorothée Montagutelli, pédiatre. "Avec une pathologie plus connue comme la trisomie 21, on peut avoir des signes qui peuvent alerter comme la nuque épaisse, une malformation cardiaque, ou des marqueurs sanguins. Pas avec le syndrome Angelman."

Quelles sont les causes ? 

Nos cellules contiennent 23 paires de chromosomes, dont 22 paires où les 2 chromosomes sont identiques. Pour chaque paire, un exemplaire vient de notre père, l'autre de notre mère. "Le chromosome 15 contient, dans sa région q11-q13 un gène nommé UBE3A, qui a la particularité de n'être fonctionnel, dans les cellules du cerveau, que sur le chromosome d'origine maternelle. La copie portée par le chromosome d'origine paternelle est inactive ou silencieuse (phénomène d'empreinte génomique parentale)" explique la pédiatre. "Le syndrome d'Angelman est dû à l'absence ou au défaut de fonctionnement de ce gène sur le chromosome maternel. Chez l'enfant porteur su syndrome d'Angelman, le gène UBE3A ne peut donc pas s'exprimer au niveau du cerveau, ce qui perturbe le développement neurologique."

Comment se transmet ce syndrome ? 

"Le plus souvent, le syndrome d'Angelman ne se transmet pas par l'un des parents. Il s'agit alors d'une anomalie génétique dit "de novo", c'est-à-dire qu'elle n'est pas héréditaire et survient par le hasard de la génétique", informe le Dr Sophie-Dorothée Montagutelli.

Quels sont les symptômes ? 

Les symptômes peuvent être plus ou moins marqués en fonction du mécanisme génétique en cause. "Dans la plupart des cas (environ 70%), il s'agit d'une délétion, c'est-à-dire une perte de matériel génétique sur la partie contenant le gène UBE3A sur le chromosome 15, provenant de la mère" rappelle la pédiatre. "Dans ce cas, les signes cliniques peuvent être sévères et apparaître très tôt." Lesquels ? 

  • Des troubles alimentaires : difficultés à nourrir l'enfant...
  • Une hypotonie.
  • Des troubles du sommeil qui peuvent être très importants.
  • Une hyperexcitabilité.
  • Un retard dans les étapes psychomotrices comme tenir la position assise, le quatre-pattes, la marche…
  • Des troubles de la coordination.
  • Une spasticité musculaire.
  • Des particularités comportementales: "Il s'agit souvent d'enfants très souriants qui sont d'humeur joviale."
  • Des particularités sensorielles.
  • Un retard sévère à l'acquisition du langage : "Il est très sévèrement impacté. La plupart des personnes qui ont le syndrome ont peu ou pas de langage oral. Cependant, l'enfant peut communiquer avec des pictogrammes, des tablettes, avec des gestes… Cet accès à la communication est très important car il y a un décalage entre ce qu'ils comprennent qui n'est pas une compréhension standard mais qui est assez développée, et ce qu'ils peuvent exprimer" complète la pédiatre.
  • L'enfant peut souffrir d'épilepsie qui nécessite un traitement médicamenteux.

Quelles différences avec l'autisme ?

Le syndrome d'Angelman et l'autisme sont deux troubles du neurodéveloppement. Cependant, ils n'ont pas les mêmes causes : 
"L'autisme est un trouble du neurodéveloppement qui affecte un ensemble de champs de développement de l'enfant mais qui peut avoir différentes causes."
→ "Le syndrome d'Angelman est causé par une anomalie génétique, située dans la région q11-q13 du chromosome 15", rappelle la pédiatre.

Dans le syndrome d'Angelman, il peut y avoir des caractéristiques cliniques du registre autistique : "Certaines personnes porteuses du syndrome d'Angelman peuvent avoir un trouble de la communication sociale et des interactions sociales qui peut s'apparenter à l'autisme. D'autres n'auront pas de trouble du spectre autistique associé, cela dépend des cas." 

Quelles différences avec le syndrome Prader-Willi ?

Ces deux syndromes ont une chose en commun : "Ils sont causés par une anomalie au niveau de la région q11-q13 du chromosome 15. Cependant, l'anomalie touche le chromosome maternel pour le syndrome d'Angelman, alors qu'elle touche le chromosome paternel pour le syndrome de Prader-Willi" informe le Dr Montagutelli. Cela induit un développement très différent : "On ne peut pas confondre un enfant qui souffre d'un syndrome d'Angelman avec un qui souffre du syndrome de Prader-Willi car ils n'ont pas la même présentation clinique." Contrairement aux enfant souffrant du syndrome d'Angelman, les enfants atteints de Prader-Willi :  

  • présentent une hypertonie importante,
  • vont, en grandissant, développer des troubles du comportement alimentaire avec de l'obésité et des troubles de la croissance,
  • développent souvent des troubles du comportement,
  • développent fréquemment des troubles des apprentissages.

Agressivité, rire… Quelles conséquences sur le comportement ? 

Le syndrome d'Angelman a un impact sur le développement d'une personne : 

  • L'humeur est très joviale, bien plus que d'ordinaire. 
  • Ce ne sont pas des enfants et des adultes avec un comportement agressif. "Ils ont peu de moyens d'expressions, alors une situation d'inconfort, de stress, de frustration ou de douleur peut les amener à développer des comportements-défi pour essayer d'attirer l'attention mais d'une manière qui n'est pas appropriée. C'est pourquoi il faut être vigilant et donner les moyens de s'exprimer à ces personnes" expose la pédiatre.
  • Ils ont un retard moteur : la marche est soit acquise tardivement, soit non acquise.
  • Ils ont des troubles de la coordination.
  • De la spasticité musculaire.
  • Un retard sévère à l'acquisition du langage et doivent communiquer via d'autres outils comme les ordinateurs ou les pictogrammes et/ou les gestes.

Quels sont les traitements ?

"Il y a différents niveaux de 'traitements" informe la pédiatre. Le premier niveau est celui du traitements des symptômes : 

  • "Les troubles neuromoteurs et de la coordination peuvent faire l'objet d'un suivi en kinésithérapie et psychomotricité."
  • "L'orthophonie pour les enfants et les adultes est très utile pour accompagner l'oralité et pour travailler les compétences en communication."
  • L'épilepsie peut faire l'objet d'un traitement médicamenteux.
  • "Les perturbations du sommeil peuvent être atténuées grâce à certaines thérapies comportementales et parfois à de la mélatonine."

Le second niveau de "traitement" concerne la recherche thérapeutique pour "aller au cœur du problème : l'anomalie génétique qui touche la copie maternelle du gène UBE3A sur le chromosome 15". Si les recherches des thérapies géniques en sont à des stades préliminaires, il existe plusieurs pistes : 

→ "Aller déverrouiller le gène porté par le chromosome 15 d'origine paternelle, qui lui est intact mais réduit au silence naturellement chez tout le monde, pour que le gène s'exprime au niveau cérébral. L'idée est d'injecter en bas de la moelle épinière une molécule qui va inhiber le mécanisme qui verrouille l'exemplaire paternel du gène." 
D'autres laboratoires vont "essayer d'introduire un système qui fasse fabriquer la protéine manquante codée par le gène au niveau du cerveau par les cellules". 

"Ces traitements pourraient en théorie, s'attaquer à la source des troubles. Mais il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'un trouble du neurodéveloppement c'est-à-dire que dès que le système nerveux du fœtus se construit, ce trouble est présent. Si on intervient, cela sera obligatoirement après la naissance donc il y aura déjà des troubles constitués." Ces pistes de traitements soulèvent aussi des questions d'ordre éthique : "La question est de savoir jusqu'à quel point et à quel prix (contraintes du traitement) on doit aller."

Quelle est l'espérance de vie ? 

"Il n'y a pas d'impact sur l'espérance de vie" répond la pédiatre. "A priori, ils ont une espérance de vie normale avec des pathologies qui peuvent persister à l'âge adulte comme la scoliose. Mais il n'y a pas, par exemple, de susceptibilité au cancer, pas de déficit immunitaire qui les rend plus vulnérables aux infections."

Comment vivre avec le syndrome d'Angelman ?

"Les personnes avec syndrome d'Angelman ont besoin de l'assistance de quelqu'un tout au long de leur vie"

"Une personne avec le syndrome d'Angelman a toute sa place dans la société."  Mais le syndrome d'Angelman a des conséquences sur la vie de la personne atteinte et sur celle de son entourage. "Je conseille aux médecins d'être à l'écoute de la famille tout au long de la prise en charge et du suivi, il faut établir un véritable partenariat avec la famille", indique la pédiatre. "Les personnes qui ont le syndrome d'Angelman sont très peu autonomes, elles ont besoin de l'assistance de quelqu'un tout au long de leur vie : elles ne savent pas prendre soin d'elles, prendre de bonnes décisions car on est dans un cadre de déficience intellectuelle importante." Le Dr Sophie-Dorothée Montagutelli explique que cela pose une question importante pour les parents : "Qui s'occupera de mon enfant quand je ne serais plus là ?" Il existe des foyers d'accueil médicalisés ou des maisons d'accueil spécialisées qui peuvent accueillir les personnes en situation de handicap. "De toutes petites collectivités réalisées sur le mode de l'habitat inclusif sont également en cours de développement pour accueillir des personnes ayant une déficience intellectuelle importante."

Les enfants peuvent-ils être scolarisés ? 

"C'est variable d'un enfant à l'autre. Il est important qu'il y ait un bon partenariat entre l'école et les parents" détaille la pédiatre. Ce, afin de définir des objectifs précis et mettre en place les moyens d'accompagner l'enfant comme il faut. "Les parents sont encouragés à se rapprocher des associations pour se faire aider." L' Association Française du Syndrome d'Angelman (AFSA) a créé des livrets spécifiques à destination des écoles pour qu'elles prennent en charge l'enfant correctement, mais aussi à destination des parents. "L'école n'est pas inutile pour les enfants avec le syndrome d'Angelman car on y apprend le vivre ensemble et quelques-uns d'entre eux ont accès à des apprentissages académiques de base. Intégrer une personne porteuse du syndrome d'Angelman dans une classe est aussi une richesse pour les autres élèves car ils voient des personnes différentes" souligne la pédiatre. 

Les adultes peuvent-ils travailler ? 

"Une fois devenus adultes, les personnes bénéficient d'une mesure de protection juridique car elles ne sont pas en mesure de gérer seules leurs affaires courantes" explique le Dr Montagutelli. "A ma connaissance, il n'y en a aucune qui travaille car pour travailler au sein d'une organisation d'entreprise, il faut être capable d'effectuer des tâches prédéfinies, il faut des capacités d' attention, d'exécution gestuelle.." En revanche, cela ne veut pas dire qu'ils ne peuvent rien faire : "Ils peuvent réaliser des activités du quotidien plus ou moins simples selon les gens."

Merci au Dr Sophie-Dorothée Montagutelli, pédiatre.

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