Fibrose hépatique : traitement, stade, réversible ou pas ?

Fibrose hépatique : traitement, stade, réversible ou pas ?

La fibrose hépatique est une atteinte du foie qui se développe de manière lente et sans symptômes. Pour autant, elle peut avoir une conséquence grave : la cirrhose du foie, qui elle n'est pas réversible. Le point sur les causes, le diagnostic et les traitements avec le Dr Christian Bredin, gastro-entérologue.

Définition : qu'est-ce qu'une fibrose hépatique ?

La fibrose hépatique se caractérise par l'apparition dans le foie d'un réseau de plus en plus dense de fibres (essentiellement des fibres collagènes) qui vont peu à peu remplacer le tissu hépatique, qui est constitué de tissu cellulaire très dense. "Les cellules du foie ont plusieurs rôles : on retiendra principalement le métabolisme des glucides, des protides et des lipides issus de la digestion, un rôle d'épuration des toxines de notre sang, la fabrication de la bile par dégradation de nos molécules d'hémoglobine vieillissantes, et un rôle de synthèse de protéines nécessaires à la coagulation", explique le Dr Bredin. 

Dans certaines circonstances, essentiellement lorsque les cellules du foie sont en souffrance (cytolyse) ou en cas d'obstacle chronique à l'écoulement de la bile, les cellules du foie vont petit à petit être remplacées par ces fibres collagènes. "Il s'agit souvent d'un processus lent, totalement silencieux (il n'y a aucun symptôme spécifique), qui illustre la perte de capacité du foie à remplacer ses cellules détruites" signale notre interlocuteur.

fibrose hepatique cirrhose stade
D'un foie sain au cancer © Kateryna Kon - 123RF

De la fibrose à la cirrhose ?

Le stade ultime de la fibrose hépatique s'appelle la cirrhose. "La cirrhose hépatique n'est pas l'apanage de l'excès de boissons alcoolisées, contrairement à l'idée reçue", prévient le Dr Bredin. La cirrhose hépatique est un état grave, irréversible, qui expose à des complications graves, parfois mortelles.

Fibrose hépatique congénitale

Le fibrose hépatique congénitale (FHC) est une maladie génétique très rare (moins de 1 cas sur 100 000 naissances par an en France). Elle est souvent associée à une maladie rénale (polykystose rénale). C'est une maladie qui n'a pas de traitement curatif, et qui est marquée par les problèmes liés à l'hypertension dans le réseau de la veine porte : varices oesophagiennes, hypertrophie de la rate (splénomégalie). Les complications les plus graves peuvent parfois conduire à la nécessité d'une transplantation hépatique.

Causes

Les causes de la fibrose hépatique sont très nombreuses. Le point commun de toutes les causes de fibrose est une agression chronique du foie, plus ou moins rapide.  On peut retenir en France essentiellement trois grandes causes :

  • la consommation chronique d'alcool
  • la stéatose hépatique dans le cadre du syndrome dysmétabolique compliqué d'une hépatite stéatosique d'origine non alcoolique (NASH, souvent appelée "maladie du foie gras")
  • les hépatites virales chroniques B et C

"Parfois, ces causes sont intriquées (syndrome métabolique et alcool, hépatite et alcool, alcool et médicaments, …)" indique le Dr.Bredin.

D'autres causes sont plus rares :

  • des maladies génétiques (hémochromatose),
  • des maladies auto-immunes (hépatite auto-immune, cholagiopathies auto-immunes),
  • la prise de certains médicaments (paracétamol),
  • certaines chimiothérapies
  • certaines expositions toxiques (tétrachlorure de carbone, solvants organiques).

La fibrose hépatique ne s'accompagne pas de douleur.

Symptômes

"La fibrose hépatique est un phénomène totalement silencieux sur le plan clinique. La constitution d'une fibrose hépatique ne s'accompagne pas de douleur. Les symptômes tels que la dyspepsie, les remontées acides, les "crises de foie" n'ont aucun rapport avec le foie", précise-t-il.

Le seul symptôme que l'on peut retrouver de façon rétrospective est une fatigue chronique, mais il s'agit d'une manifestation qui est très peu spécifique.

Seule la cirrhose hépatique peut donner des symptômes, lorsque cette cirrhose est déjà grave, à un stade de complications : cancer primitif du foie, hémorragie digestive par rupture de varices oesophagiennes, hématomes par défaut de coagulation, diminution des plaquettes sur une prise de sang par hypertrophie de la rate (hypersplénisme), etc…

Stades

On distingue 5 stades de fibrose :

  • stade 0 : absence de fibrose, le foie est normal
  • stade 1 : fibrose minime
  • stade 2 : fibrose modérée
  • stade 3 : fibrose sévère
  • stade 4 : cirrhose

De façon plus synthétique, en pratique courante, on va distinguer les fibroses minimes  (F0 à F2), la fibrose sévère F3 et la cirrhose. En effet, les fibroses minimes peuvent régresser lorsque la cause de la fibrose est traitée. La fibrose F3 est un stade de passage parfois très rapide à la cirrhose, mais reste réversible, en revanche, la cirrhose est un état irréversible.

Score et classification de fibrose hépatique

Afin de savoir dans quel stade de fibrose on se trouve, et donc de décider d'un traitement de la cause pour limiter le risque de cirrhose, on a besoin de réaliser des examens. L'examen de référence pour définir le stade de fibrose est la ponction-biopsie hépatique. "Il s'agit toutefois d'un geste médical parfois délicat, car il est invasif, et peut être entaché de complications, en particulier de douleurs ou d'hémorragie" signale le Dr Bredin. Afin d'éviter ce geste invasif, on a vu se développer depuis les 25 dernières années des méthodes d'évaluations indirectes de la fibrose. Ces méthodes ont été évaluées par des études comparatives afin d'en définir la fiabilité. Grâce à ces explorations non invasives, le recours à la biopsie hépatique a beaucoup diminué en France durant  les 25 dernières années. Globalement, il existe deux sortes de méthodes :

  • les tests sanguins : Fib4, Fibrotest, Fibromax, etc… Ces tests sont dans certaines circonstances remboursés par l'assurance maladie, et sont basés sur des formules mathématiques à partir de certaines valeurs d'une prise de sang. Ils sont assez performants pour distinguer les valeurs extrêmes de fibrose (F1 vs F4), mais peuvent être pris en défaut par certaines circonstances pathologiques (inflammation, hémolyse, certains traitements antiviraux,...). Ils ont l'avantages d'être simples à réaliser, et ont une bonne reproductibilité, et sont donc utiles à la surveillance au long cours de la fibrose.
  • l'élastométrie repose sur la mesure de l'élasticité du tissu hépatique. A l'image d'une corde de guitare que l'on va tendre de plus en plus, ce qui va la faire résonner de plus en plus dans les aigus, on va envoyer une onde ultra-sonore dans le tissu hépatique et "écouter" son écho à l'aide d'un appareil comparable à un échographe : plus le foie est fibreux, plus il est "dur", et plus il va renvoyer un écho ultrasonore déformé. On définit alors des valeurs seuils pour chaque score de fibrose. On utilise en France en général deux types d'appareils : Fibroscan de la société Echosens et ShearWave de la société (française) Supersonic Aixplorer.

On peut être amené à associer ces deux types d'évaluation indirecte, notamment lorsqu'il y a une discordance entre le résultat reçu et l'impression clinique. Par exemple, chez un patient qui ne présente aucun signe de cirrhose, si un Fibrotest donne un résultat F4, on peut être amené à lui réaliser un Fibroscan afin de conforter le diagnostic. En cas de concordance des scores de fibrose, on estime que l'évaluation indirecte (non invasive) est fiable. En cas de discordance, on peut être amené à proposer une biopsie.

Diagnostic : test, évaluation

L'IRM, le scanner et l'échographie classique ne vont pas donner de score de fibrose. En revanche, ces examens peuvent être utiles en première intention pour découvrir des aspects typiques de cirrhose : foie bosselé, augmenté de volume, hypertrophie de la partie gauche du foie, anomalie dans la circulation de la veine porte. Avec ces examens radiologiques, on peut aussi visualiser une accumulation de graisse dans le foie, la stéatose, qui est une anomalie souvent associée au processus de fibrose hépatique.

Le Dr. Bredin tient à signaler que la cytolyse, c'est à dire la destruction progressive des cellule du foie, n'est jamais normale. "Les médecins demandent assez souvent dans les bilans sanguins les dosages des transaminases ASAT et ALAT. Une élévation MÊME MINEURE (inférieure à 2 fois la normale) n'est JAMAIS normale, et traduit une cytolyse (c'est à dire une destruction des cellules du foie), autrement dit une hépatite. Toute anomalie des transaminases doit être explorée, notamment dans 3 axes :

  • recherche d'une stéatose (syndrome métabolique, consommation excessive d'alcool) ;
  • recherche d'une hépatite virale : il reste environ 200 000 patients atteints d'hépatite C en France, cette maladie est désormais curable à plus de 95 % au prix d'un traitement court (en général 2 mois), sans aucun effet secondaire majeur ;
  • recherche d'une anomalie des voies biliaires (calcul ?)"

Traitement

"Il n'y a pas de médicament à proprement parler de la fibrose hépatique. Cependant, lorsque cela est possible, et lorsque la fibrose est réversible (inférieure ou égale à F3), il est important de traiter la cause, par exemple, le traitement antiviral de l'hépatite B ou C, ou les saignées en cas d'hémochromatose génétique", explique le gastro-entérologue. 

Les mesures hygiéno-diététiques sont fondamentales :

  • éviction totale de l'alcool, même à petites doses,
  • réduction pondérale en cas de surpoids,
  • arrêt des médicaments inutiles (notamment de l'auto-médication)
  • une activité physique régulière, même de faible intensité, lorsqu'elle est possible, est hautement souhaitable.

Fibrose hépatique réversible ?

La fibrose hépatique n'est réversible que jusqu'au stade 3

Merci au Dr Christian Bredin, gastro-entérologue.