Perte d'équilibre chez la personne âgée : causes, soigner

Chez la personne âgée, la perte d'équilibre se traduit souvent par une chute, deuxième cause de décès accidentels dans le monde d'après l'OMS. Quelles sont les causes, les conséquences, les traitements et les moyens de prévention ? Réponse avec nos experts.

Perte d'équilibre chez la personne âgée : causes, soigner
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Quelles sont les causes de la perte d'équilibre chez la personne âgée ?

"On parle davantage d'un vertige ou d'une difficulté à garder l'équilibre lors d'un déplacement ou lorsque la personne se met debout", précise le Dr Camille Marçon-Mathis, ORL. On distingue différentes causes :

  • Maladies neurologiques (sclérose en plaques, Parkinson…),
  • Maladies cérébrales (qui perturbent l'équilibre et la coordination motrice),
  • Maladies ORL (trouble de l'oreille interne, organe de l'équilibre)
  • Maladies cardio-vasculaires (hypotension orthostatique qui correspond à une baisse de tension artérielle au moment d'un effort comme pour passer de la station assise à debout)
  • Maladies ophtalmologiques (difficultés visuelles, fatigue des yeux)
  • Certains médicaments ont des effets secondaires pouvant occasionner une perte d'équilibre (effets iatrogènes). Les personnes âgées, souvent tributaires de plusieurs traitements à prendre en même temps (polymédication) y sont particulièrement exposées.
  • Le vieillissement augmente la susceptibilité à devenir instable mais n'explique pas la cause du déséquilibre. "Cela nécessite une enquête étiologique systématique, rappelle le Dr Elise Cotto, gériatre. Les étiologies sont souvent multifactorielles en rapport avec le vieillissement physiologique (détérioration des mécanismes physiologiques qui contrôle l'équilibre lié au vieillissement physiologique, vieillissement des organes neurosensoriels, sarcopénie et fonte musculaire), les pathologies chroniques (pathologie ostéoarticulaire),  et les pathologies aigues qui se surajoutent".

Quel problème neurologique peut causer une perte d'équilibre ?

"Il peut s'agir de troubles de la proprioception liés au récepteurs situés au niveau des membres inférieurs, qui n'envoient plus correctement les informations au cerveau, détaille la spécialiste. Si ces troubles sont fréquents chez une personne âgée, ils peuvent être aggravés par un diabète ou une neuropathie alcoolique". En conséquence, la personne peut avoir des difficultés à marcher. Les maladies responsables d'un trouble de l'équilibre sont nombreuses et nécessitent de poser un diagnostic en consultant un neurologue. "En fonction de la situation clinique, différentes causes neurologiques peuvent être responsables du trouble de l'équilibre, complète le Dr Cotto. Il peut s'agir :

  • de causes centrales vasculaires (AVC ischémique vertébro-vasculaire, multiples lacunes ou AVC profond secondaire à une HTA, hématome du cervelet) ;
  • de causes infectieuses (abcès du cervelet),
  • de causes dégénératives (syndrome ou maladie de Parkinson),
  • de causes tumorales (neurinome de l'acoustique) 
  • de causes toxiques (secondaire à un alcoolisme chronique et responsable d'une ataxie cérébelleuse ou d'une marche pseudo-ébrieuse)
  • de causes neurologiques périphériques qui peuvent également donner des troubles de l'équilibre "marqués par une atteinte de la proprioception secondaire à des neuropathies périphériques ataxiantes (d'origines variées notamment carence en vitamine B12 avec la maladie de Biermer) ou à un déficit moteur  avec un accrochage du pied par faiblesse des releveurs et steppage (déficit radiculaire L5, neuropathie du nerf sciatique poplité externe par compression au col fibulaire) ou un dérobement des membres inférieurs par déficit moteur d'origine myopathique (inflammatoire, métabolique, héréditaire)".

Quels sont les symptômes d'une perte d'équilibre chez la personne âgée ?

Les symptômes dépendent de la cause. "En cas de problèmes ophtalmiques, le patient peut ressentir des décalages visuels qui peuvent conduire à des chutes et soulever le problème de l'autonomie. En cas d'hypotension orthostatique, le patient peut avoir une sensation de vertige, d'instabilité et de déséquilibre, de flou visuel. Des sueurs et une tachycardie peuvent compléter le tableau clinique". La perte d'équilibre revêt de nombreuses expressions : plainte vertigineuse, instabilité, vertiges, chutes. "On utilise souvent le terme de "lipothymies" pour désigner ces malaises, souligne le Dr Cotto. Il s'agit d'un symptôme fréquent rapporté dans la population des plus de 75 ans et souvent non traité. Le diagnostic est difficile et les symptômes peuvent être banalisés, alors que les conséquences sont potentiellement graves (chute et ses complications)".

Comment soigner une perte d'équilibre chez la personne âgée ?

Là encore, le traitement dépend bien évidemment de la maladie en cause. "Selon la cause, il est préférable de s'orienter vers un spécialiste", poursuit le médecin. En cas d'hypotension, le cardiologue pourra adapter les traitements. Pour les troubles visuels, l'ophtalmologue procédera à un examen clinique spécifique. Dans certains cas, il pourra orienter le patient vers un orthoptiste pour régler un problème de divergence ou de convergence. L'identification d'une ou plusieurs causes impose sa (ses) correction(s) dans la mesure du possible. "Les pièges diagnostiques sont nombreux, notamment certaines affections graves du système nerveux central qui nécessite une prise en charge urgente", insiste la gériatre.

En parallèle de la prise en charge de la ou des maladies causales, "il est recommandé de réviser l'ordonnance du patient afin réévaluation de l'indication de chaque traitement et de limiter la iatrogénie (réduire le nombre de médicaments, si possible réduire les psychotropes, et ceux favorisant l'hypotension orthostatique) ;  corriger les déficits sensoriels (audition, vision), proposer une prise en charge nutritionnelle afin de corriger une éventuelle dénutrition ; prescrire si besoin de la rééducation motrice et vestibulaire qui permettra notamment la mise en situation du patient et de favoriser l'apprentissage de nouveaux comportements réflexes tout en fournissant un soutien psychologique".

Quelle prévention pour éviter la perte d'équilibre chez la personne âgée ?

Il est recommandé d'avoir un suivi médical régulier afin d'équilibrer les maladies chroniques et de limiter la polymédication. "Prévoir en complément une évaluation clinique globale de l'équilibre du patient, notamment par des tests cliniques (l'étude de la station unipodale qui évalue l'équilibre postural statique, le test timed up and go qui évalue l'équilibre postural dynamique avec une valeur pronostique) et rechercher une éventuelle désadaptation à l'effort afin de la corriger (liée à une affection cardio-respiratoire, de l'anémie, des troubles thymiques ou anxieux avec phobies, un syndrome de désadaptation psychomotrice, une diminution progressive activité ou de la force musculaire dans le cadre de maladies chroniques type dysthyroïdie, dénutrition)", détaille le Dr Cotto.

Le renforcement musculaire est essentiel, en favorisant l'activité physique individuelle ou collective, avec des exercices d'entretien de la fonction d'équilibration et du renforcement musculaire. "Mais il ne faut pas oublier le renforcement osseux avec une supplémentation vitamino-calcique et de traiter une ostéoporose sous-jacente ; le renforcement sensoriel avec une consultation ophtalmologique et ORL afin d'identifier d'éventuels troubles vestibulaires ; le renforcement nutritionnel avec identification et traitement d'une dénutrition". Enfin, il est conseillé de réaliser un examen podologique et de proposer des soins de pédicurie si besoin et de veiller à un chaussage adapté. "Il peut être intéressant de mettre en place des mesures environnementales avec une visite à domicile d'un ergothérapeute afin d'adapter le lieu de vie et de limiter le risque de chute. Les troubles de l'équilibre augmentent le risque de chute dans la population âgée".

Merci au Dr Elise Cotto, responsable de l'unité de gériatrie aiguë du groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint Simon (Paris) et au Dr Camille Marçon-Mathis, Assistant   Chef de Clinique ORL et Chirurgie Cervico-Faciale au CHRU Nancy.