Syndrome de Pierre Robin : causes, complications, c'est quoi ?

Le syndrome de Pierre Robin, ou séquence de Pierre Robin, est une maladie rare dont les causes sont mal connues. Les symptômes, la triade malformative, entraînent chez le bébé des troubles de la succion-déglutition et parfois des troubles respiratoires.

Syndrome de Pierre Robin : causes, complications, c'est quoi ?
© Bébé atteint du syndrome de Pierre Robin / Professeur Hervé Benateau/Journal des Femmes

Définition : qu'est-ce que le syndrome de Pierre Robin ? 

Le syndrome de Pierre Robin (SPR) est une pathologie congénitale rare qui englobe trois malformations principales : 

  • l'absence de fermeture de la fente palatine située à l'arrière du palais, 
  • un rétrognatisme (mâchoire inférieure petite avec un menton en retrait) 
  • et une glossoptose (déplacement de la langue à l'arrière de la gorge). 

On parle de triade malformative ou  "plutôt de séquence de Pierre Robin, car il s'agit d'une association de ces signes", explique le Docteur Olivier Tandonnet, médecin pédiatre responsable de l'unité de réanimation néonatale-néonatologie de maternité au CHU de Bordeaux. Et de préciser que "dans la séquence Pierre Robin, la fente palatine est médiane, à ne pas confondre avec une fente labio-alvéolaire, et associée à des troubles de la succion-déglutition". Dans le syndrome de Pierre Robin, nous distinguons trois formes : 

  • SPR isolé : les malformations sont uniquement orofaciales ;
  • SPR syndromique : la séquence des anomalies est associée à un syndrome connu, comme le syndrome de Stickler ou le syndrome de délétion 22q11, qui sont des maladies génétiques  ;
  • SPR associé : les malformations ne sont pas en lien avec un syndrome en particulier.

Est-il fréquent en France ? 

Le syndrome de Pierre Robin affecte 1 nouveau-né sur 8 000 à 10 000 naissances. Il est découvert à la naissance. Le sexe n'est pas un facteur de risque et toutes les populations peuvent être touchées par le SPR. Au CHU de Caen, par exemple, l'équipe médicale du Professeur Benateau, chef de service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie orale du CHU de Caen a "environ un cas par an". Au CHU de Bordeaux, en revanche, le Docteur Tandonnet évoque "10 à 12 cas par an", un chiffre sans doute plus élevé en raison de la taille du bassin de population plus important.

 

Quelle est la cause du syndrome de Pierre Robin ? 

Le tronc cérébral est responsable du réflexe succion-déglutition. Il s'agit d'une parcelle du système nerveux, qui commande le développement de la mâchoire inférieure à partir du deuxième mois de grossesse. La mâchoire devient mobile, la langue se met en mouvement et se positionne correctement dans la bouche (à l'horizontale). Ainsi, la mandibule se développe grâce aux mouvements de la langue et progressivement, l'os de la partie arrière du palais se ferme. Lorsque le tronc cérébral dysfonctionne ou s'il est immature, la mâchoire n'est pas stimulée et reste alors petite. L'espace à l'intérieur de la bouche est trop étroit pour la langue, qui reste en arrière et le palais ne se ferme pas complètement, entraînant la fente palatine. 

Dans 10 à 15 % des cas, l'anomalie est susceptible d'avoir été transmise par un parent

Concernant les causes de l'immaturité ou du dysfonctionnement du tronc cérébral, elles sont moins évidentes. Le syndrome de Pierre Robin pourrait être associé à des anomalies génétiques affectant la synthèse protéique SOX-9 ayant un rôle dans le développement squelettique de la face. "Lorsqu'elle est isolée, la cause de la séquence Pierre Robin est mal connue, bien qu'on puisse la retrouver dans des fratries, indique le pédiatre. Si elle est syndromique ou associée à une maladie, elle est plus complexe, souvent plus sévère, avec parfois des troubles neurologiques ou respiratoires importants". Dans 10 à 15 % des cas, l'anomalie est susceptible d'avoir été transmise par un parent présentant une forme atténuée du syndrome de Pierre Robin, qui est parfois passée inaperçue.

Quels sont les symptômes du syndrome de Pierre Robin ?

La séquence de Pierre Robin se manifeste par trois symptômes principaux : 

  • Microrétrognathisme : la mâchoire inférieure est plus petite que la mâchoire supérieure, le menton est en retrait, comme rentré vers l'intérieur, souvent visible lorsque le patient est de côté ;
  • Glossoptose : positionnement anormal de la langue, qui se place à l'arrière de la gorge, au niveau du pharynx. La glossoptose peut entraîner une obstruction des voies aériennes ;
  • Fente vélo-palatine : absence de fermeture du voile du palais.

Par la suite, l'enfant peut développer des troubles du langage, des affections ORL ou des problèmes dentaires. Le contrôle de la saturation en oxygène du bébé est indispensable, car la désaturation chronique peut altérer le développement de l'enfant. Si le syndrome est bien géré et bien surveillé, les enfants ont un développement normal. De manière générale, l'enfant a juste un retard dans certaines acquisitions, qu'il parviendra tout de même à avoir.

Comment pose-t-on le diagnostic d'un syndrome de Pierre Robin ?

"La fente vélo-palatine est parfois visible à l'échographie et le diagnostic est posé en anténatal, notamment dans le cas de la séquence de Pierre Robin syndromique ou associée. Lorsqu'elle est isolée, le diagnostic est moins évident, mais nous pouvons noter la présence d'un petit menton en arrière. A un stade plus sévère, des signes d'appel peuvent être observés, comme une cardiopathie ou l'hydramnios : la présence d'un excès de liquide amniotique peut témoigner d'une baisse de la déglutition du fœtus", explique le Docteur Tandonnet. En postnatal, le diagnostic du syndrome de Pierre Robin est d'abord clinique. Le médecin constate des anomalies caractéristiques du SPR à la naissance. "Nous percevons également certains signes évocateurs, comme la difficulté à manger, à respirer." Ensuite, "nous réalisons toujours des examens de confirmation pour éliminer des pathologies plus lourdes. Nous recherchons sur le plan génétique la délétion 22q11 ou nous faisons un super-caryotype (ACPA : analyse sur puce à ADN) pour voir si aucun chromosome n'est manquant". Les professionnels de santé procèdent ensuite à divers examens afin d'évaluer les difficultés fonctionnelles liées aux malformations : 

  • Echographie cardiaque et/ou abdominale (anomalie rénale) ;
  • Calcémie, "un dosage du Calcium pour vérifier l'absence d'une hypoparathyroïdie" ;
  • Laryngoscopie dynamique ;
  • Oxymétrie : mesure du taux d'oxygène dans le sang, "pour vérifier la bonne oxygénation du bébé sur 24 heures" ;
  • Capnie : "nous évaluons en continu le taux de gaz carbonique dans le sang, et nous l'enregistrons sur 24 heures pour vérifier que ce gaz est bien éliminé par la respiration" ;
  • Polysomnographie, pour "les événements d'apnées d'origine centrale ou obstructive" ;
  • Electrocardiogramme ;
  • Parfois, un bilan immunitaire.

D'autres examens peuvent être réalisés en cas d'autres anomalies, comme la radiographie du squelette, l'examen visuel ou de surdité, une IRM cérébrale ou encore une échographie cardiaque.

Quels sont les risques de complications ? 

La triade malformative typique du syndrome de Pierre Robin engendre des troubles d'ordre fonctionnel qui impactent des fonctions vitales. Le bébé peut éprouver des difficultés à se nourrir, à respirer et à réguler son rythme cardiaque. Nous retrouvons trois stades de sévérité dans le cas du syndrome de Pierre Robin :
► Stade 1 : malgré les anomalies présentes au niveau du visage du bébé, les troubles alimentaires sévères et respiratoires sont absents. Des biberons et tétines adaptés permettent au nourrisson de s'alimenter correctement. Un bruit sans gravité durant le sommeil de bébé, appelé le stridor, peut être audible. "Les bébés qui présentent une séquence de Pierre Robin de type 1 peuvent avoir des difficultés mineures de succion-déglutition, et avec un peu d'aide, ils s'en sortent très bien", indique le Docteur Tandonnet ;
► Stade 2 : la gêne alimentaire est la plus grande difficulté, mais pas la gêne respiratoire. L'alimentation du nourrisson est un véritable défi : il ne parvient pas à alterner la succion et la déglutition. Le bébé peut être victime de fausse-route et de reflux gastro-œsophagien, pouvant se faire par le nez en cas de fente palatine. "Le nouveau-né a besoin d'une aide nutritionnelle et peut être alimenté via une sonde naso-gastrique, afin de recevoir une ration hydrique et calorique complète" ;

"En gagnant du temps, tout finit par rentrer dans l'ordre"

► Stade 3 : ce sont les difficultés respiratoires qui sont les conséquences fonctionnelles les plus importantes, comme des apnées, des hypopnées et de la gêne pour respirer. "Le bébé a besoin, en plus, d'une assistance respiratoire totale ou uniquement durant le sommeil, car la langue obstrue les conduits". La mauvaise régulation de son rythme cardiaque peut être responsable de malaise chez le bébé : son teint est pâle et bleuté, lié à une mauvaise oxygénation du sang. "Dans la majorité des cas, ce sont des séquences de Pierre Robin isolées et de type 1. Dans des proportions moindres, ils sont de type 2, et les types 3 sont moins fréquents", indique le médecin.

Quel traitement pour soigner le syndrome de Pierre Robin ? 

La prise en charge du syndrome de Pierre Robin est pluridisciplinaire et dépend du stade et de la gravité de la maladie. "Dans la séquence Pierre Robin, l'objectif est de gagner du temps : le tronc cérébral finira par se développer, permettant d'éviter la chirurgie lourde et invasive, dans l'immense majorité des cas. En gagnant du temps, tout finit par rentrer dans l'ordre, explique le Professeur Hervé Benateau, chef de service de chirurgie Maxillo-Faciale et Chirurgie Orale du CHU de Caen.

Prise en charge des troubles alimentaires. "Un bébé porteur d'une fente vélo-palatine, qu'il présente le syndrome Pierre Robin ou non, a des difficultés à s'alimenter exclusivement au sein. Il ne parvient pas à créer de dépression dans la cavité buccale. Or, la prise de poids est primordiale chez le nouveau-né. Nous privilégions alors la prise en charge positionnelle. Au moment de la prise du biberon, l'enfant est en position demi-assise voire verticale. S'il est placé sur le dos, des problèmes respiratoires peuvent apparaître". Les professionnels apprennent aux parents les bons gestes et les bonnes positions pour nourrir leur bébé au biberon. Des tétines (en caoutchouc vieilli) et des biberons spéciaux sont utilisés. Le bébé qui présente une SPR a des risques de fausse route liés au retard de développement du tronc cérébral. "Pour diminuer les reflux, le lait maternel préalablement tiré ou le lait artificiel est épaissit. Il peut également être enrichi pour lui apporter de la valeur nutritive, poursuit le Professeur Benateau. Si l'enfant prend du poids, il est inutile d'utiliser une sonde naso-gastrique. En revanche, si l'alimentation du nourrisson est trop difficile, la sonde naso-gastrique est vite proposée. Globalement, chez le bébé, elle est bien tolérée et peut rester en place plusieurs semaines, voire plusieurs mois, en fonction de son seuil de tolérance. Si l'enfant retire ou arrache la sonde ou si elle est responsable de souffrances cutanées ou d'inconfort, une gastrostomie [introduction d'une sonde dans l'estomac] est envisagée, mais cela reste rare". 

Prise en charge des difficultés respiratoires. Concernant les troubles respiratoires, le traitement positionnel est également privilégié, quitte à ce que l'hospitalisation soit plus longue. C'est d'ailleurs la première étape de la prise en charge sur le plan respiratoire. "Les pédiatres recommandent de coucher le nouveau-né sur le dos pour diminuer les risques de mort subite. Les seules exceptions pour lesquelles nous allons à l'encontre de ces recommandations sont les enfants atteints de la séquence Pierre Robin : à cause de la triade, le bébé couché sur le dos se met en danger (désaturation en oxygène, apnées). Nous le plaçons sur le côté, voire sur le ventre pour libérer la place à l'arrière de la langue. L'enfant est placé sous scope (moniteur de surveillance). Si le traitement positionnel est bien géré par les parents et si le bébé dort bien, l'hospitalisation peut être écourtée grâce à un système de prise en charge à domicile." Lorsque le traitement positionnel est insuffisant, d'autres thérapeutiques sont proposées. "La sonde naso-pharyngée peut être mise en place pendant quelques semaines. Un tuyau passe dans chaque narine et descend jusqu'à la base de la langue. La langue chute et le passage de l'air se fait toujours par le nez, ce qui permet de mieux ventiler le bébé ou d'être plus confortable pour la prise du biberon", indique le Professeur Benateau. Et le Docteur Tandonnet de compléter, "des systèmes d'aide respiratoire avec un masque, appelés pression positive continue nasale peuvent être nécessaires pour certains bébés, en continu la journée et la nuit ou uniquement au sommeil. Cette aide est souvent temporaire pendant les premiers mois de vie chez les nouveau-nés atteints d'une séquence de type 3." Les techniques invasives et lourdes, comme la trachéotomie, sont des méthodes quasiment jamais utilisées. Ce sont des traitements d'urgence qui ne sont mis en place que pendant quelques jours. 

La chirurgie du palais. "Le plus souvent, nous ne faisons pas de chirurgie, à l'exception de la fermeture de la fente palatine. Nous fermons le voile à 6 mois et le palais entre 12 et 18 mois, dans les formes peu graves de séquence Pierre Robin. A un stade plus sévère, la chirurgie peut avoir lieu vers 8 ou 10 mois".

L'orthophonie. Le voile du palais, suite à une chirurgie, mérite et justifie de la rééducation orthophonique afin de réduire la prononciation des lettres et des mots par le nez. En effet, "le flux d'air, qui se fait normalement par la bouche, se fait ici plutôt par le nez. L'orthophonie est alors indiquée, et même parfois de manière précoce, entre 6 et 12 mois, en cas de troubles de l'oralité. Vers 18 mois, l'orthophoniste évalue la compétence vélaire, et joue un rôle de guide parental pour montrer les exercices à réaliser", précise le Docteur Tandonnet. L'orthophoniste aide le patient à muscler le pharynx et le voile du palais grâce à des exercices de souffle. "Ces troubles sont davantage liés à la fente vélo-palatine qu'à la séquence Pierre Robin : le syndrome ne monopolise l'enfant et les parents que durant les premiers mois de vie," indique le Professeur Benateau.

► Des soins de dentisterie. Comme la mâchoire est plus petite, des problèmes dentaires peuvent survenir. "De la kiné linguale peut être conseillée, tout comme certaines techniques d'orthodontie plus invasives par la suite. Surveiller la façon dont poussent les dents est également très important", selon le médecin pédiatre.

Troubles ORL. "Vers 3-4 mois, l'examen ORL est quasiment systématique, car l'enfant a plus de risques de développer des otites séreuses et de présenter une surdité. La pose d'un diabolo dans les oreilles peut être envisagée pour améliorer l'audition des enfants, surtout pour la période entre 9 et 18 mois, très importante pour le développement du langage". Par la suite, il est conseillé à l'enfant d'être suivi par un médecin ORL.

Prise en charge psychologique. Le psychologue peut être d'un grand soutien aux parents qui apprennent que leur bébé est atteint du syndrome de Pierre Robin. Quant au petit patient, il peut développer un comportement parfois difficile vers l'âge de deux ans, liés à des souvenirs désagréables. En ce sens, le psychologue peut l'aider à les évacuer.

Quelle espérance de vie en cas de syndrome de Pierre Robin ?

"L'évolution est quasiment toujours bonne, mais il faut régler les problèmes respiratoires, d'alimentation et de prise de poids rapidement. Après l'âge d'un an et demi, ce sont des enfants qui rejoignent la même prise en charge que les enfants porteurs d'une fente vélo-palatine (sans SPR)", indique le Professeur Hervé Benateau. Les anomalies physiques, les désordres digestifs et respiratoires guérissent lors des 3 premières années de vie. Un suivi est conseillé jusqu'à l'adolescence en cas de problèmes de type ORL. Et le Docteur Olivier Tandonnet d'ajouter, "souvent, dans la séquence isolée, ce sont des enfants qui vont bien, qui se développent bien et qui sont très heureux. Finalement, la séquence de Pierre Robin n'est que passagère et la prise en charge ne se fait qu'au début, même si le parcours de soin paraît long. Nous conseillons aux parents d'être soutenus, surtout lors d'une hospitalisation à domicile : il existe une association, Tremplin, très aidante pour les parents. L'association rassure et accompagne les parents, jusqu'à ce que l'état de santé de l'enfant s'améliore."

Merci au Professeur Hervé Benateau, chef de service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie orale du CHU de Caen et au Docteur Olivier Tandonnet, médecin pédiatre responsable de l'unité de réanimation néonatale-néonatologie de maternité au CHU de Bordeaux.

  • Mon enfant est porteur de la séquence de Pierre Robin (SPR), CHU de Nantes
  • Des mutations de séquences non codantes, à grande distance d'un gène, impliquées dans une anomalie de développement, Inserm, 23 février 2009
  • Syndrome ou séquence de Pierre Robin (SPR), Filière de Santé maladies rares
  • Maladies rares et médicaments orphelins, Orphanet
  • Association Tremplin Séquence de Pierre Robin
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