Algodystrophie : douleur, raideur, causes, 3 phases d'évolution

Algodystrophie : douleur, raideur, causes, 3 phases d'évolution

L'algodystrophie ou "Syndrome Douloureux Régional Complexe" (SDRC) se manifeste par des douleurs particulièrement invalidantes au niveau d'une articulation. Elle peut toucher la cheville, la main, le pied...

L'algodystrophie ou "Syndrome Douloureux Régional Complexe" (SDRC) est caractérisée par des douleurs survenant au niveau des articulations. Elle se manifeste le plus souvent entre 35 et 65 ans et concernerait 1 personne sur 1000 en France. L'algodystrophie est très invalidante, le fait de bouger à peine le membre malade est très douloureux pour la personne atteinte. C'est le chirurgien Ambroise Paré qui l'a observée pour la première fois chez le roi Charles IX à la suite d'une saignée. L'algodystrophie est ensuite décrite pendant la guerre de Sécession (1861-1865) durant laquelle on a observé des soldats souffrant de douleurs persistantes et disproportionnées par rapport à leurs blessures. C'est à ce moment là qu'est apparu le terme "algodystrophie" (douleur et dystrophie). Quels sont les premiers symptômes de l'algodystrophie ? Quelles sont les causes de l'algodystrophie ? Quelles parties du corps peuvent être concernées ? Quelles sont les différentes phases de la maladie ? Comment en guérir ?

Définition : c'est quoi l'algodystrophie ?

L'algodystrophie ou algoneurodystrophie, désormais nommée "syndrome douloureux complexe régional" (SDRC) est "une pathologie très complexe dont on ne saisit pas encore tous les mécanismes" souligne d'emblée le Dr Marc Lévêque, neurochirurgien spécialiste de la douleur. Algodystrophie contracte les termes "douleur" et "dystrophie". Elle correspond à un enraidissement progressif et douloureux d'une articulation, auquel s'ajoute, après une certaine évolution, une déminéralisation osseuse

Quelles parties du corps peuvent être touchées par l'algodystrophie ?

Ce sont plutôt les membres supérieurs qui sont touchés par l'algodystrophie. "A ma connaissance, c'est la main qui est la partie du corps la plus touchée" indique le neurochirurgien.

► L'algodystrophie de l'épaule est souvent appelée "syndrome épaule-main". Il se manifeste par une sorte de raideur à l'épaule et une tuméfaction douloureuse de la main.

► L'algodystrophie peut toucher différentes articulations, notamment le poignet. La main devient d'abord chaude et moite, les doigts du patient sont enflés et un œdème se forme sur le dos de la main. Après 3 ou 4 semaines, l'œdème disparaît mais la main reste déformée. 

► L'algodystrophie de la cheville peut se déclencher plusieurs semaines après une entorse, une fracture, une intervention chirurgicale, ou à l'occasion d'une activité sportive par exemple. Elle peut aussi concerner toutes les articulations du pied. Pendant toute la période de prise en charge, il faut éviter le sport et la charge importante sur l'articulation. Opter pour la piscine plutôt que pour la course à pied.

► L'algodystrophie ou algoneurodystrophie du genou se caractérise par des douleurs et un enraidissement progressif du genou, générant une difficulté voire une impossibilité à le bouger sans douleur. Il fait en général suite à un traumatisme (qu'il soit important ou minime : entorse, fracture, luxation...), à une intervention chirurgicale sur le genou ou encore à la pose d'un plâtre ayant entraîné l'immobilisation du genou. Le genou se raidit alors progressivement et devient difficile à articuler. On ne parvient plus à le tendre et les douleurs rendent l'appui difficile ou même impossible. Chaud et gonflé au début, le genou va au fil du temps devenir particulièrement froid et blanchâtre. 

Quels sont les premiers symptômes de l'algodystrophie ?

L'algodystrophie se manifeste tout d'abord par une douleur, spontanée ou provoquée. "La douleur est locorégionale, elle ne correspond pas vraiment à un territoire nerveux. Le membre atteint sera extrêmement sensible, on parle d'hyperalgésie, rien que l'effleurer devient douloureux" expose le Dr Lévêque. D'autres symptômes peuvent aussi caractériser une algodystrophie comme :

  • symptômes vasomoteurs : membre chaud
  • oedème
  • raideur du membre
  • changement de pilosité, ongles, peau 

Quelles sont les 3 phases de l'algodystrophie ?

L'algodystrophie se développe en trois phases : 

► La 1ère phase ou "phase chaude" se manifeste par une articulation tuméfiée et gonflée. Soit la peau sera très sèche soit au contraire très suante (hyperhidrose). Cette phase comprend les symptômes douloureux (hyperalgésie). Elle dure environ 3 mois.

► La 2ème phase ou phase "dystrophique" est une phase froide. Il y a moins de phénomènes de gonflements, la peau devient plus froide, parfois un peu moite. On observe une fonte musculaire, les ongles s'épaississent et les poils sont plus rugueux. Elle dure entre 3 et 9 mois.

► La 3ème phase est également une phase froide. Les symptômes diminuent mais peuvent persister des troubles trophiques c'est-à-dire que la peau devient plus fine, luisante et le patient souffre de contractures. Elle dure environ 8-9 mois.

Comment diagnostiquer l'algodystrophie ?

Le diagnostic d'algodystrophie est difficile à poser et il est généralement effectué par élimination, c'est-à-dire après avoir écarté les autres diagnostics potentiellement en cause dans les symptômes. "A l'examen clinique, le médecin regarde les critères de Budapest et s'ils sont remplis, c'est le signe d'une algodystrophie" note l'expert. Les critères sont :

Douleur qui persiste et apparaît disproportionnée avec l'évènement initial

► Au moins un symptôme parmi :

  • sensoriel (douleur)
  • vasomoteur (asymétrie de température et/ou asymétrie de couleur)
  • sudomoteur/oedème (asymétrie de sudation et/ou oedème)
  • moteur/trophique (raideur, dysfonction motrice, changement de pilosité, ongles, peau)

► Au moins deux signes cliniques parmi les symptômes précédemment décrits

► Tous les autres diagnostiques ont été éliminés

Certains examens sont proposés pour aider au diagnostic :

  • Une scintigraphie osseuse qui doit être réalisée dans les 6 premiers mois et qui reste l'examen le plus utile au diagnostic, surtout en cas d'algodystrophie de la main.
  • L'imagerie par résonance magnétique (IRM) qui peut se révéler utile en cas de doute pour éliminer un autre diagnostic.
  • Une prise de sang qui permet de rechercher d'autres maladies qui pourraient ressembler à une algodystrophie.
  • Le scanner et la radiographie osseuse qui montrent parfois une déminéralisation osseuse et des géodes mais seulement tardivement. 

Quels sont les facteurs de risques de l'algodystrophie ?

Les causes précises de l'algodystrophie sont encore inconnues. En revanche, certains facteurs de risque sont établis. "Il s'agit d'un plâtre trop/mal serré, certaines fractures intra-articulaires, le tabagisme, les patients souffrant de troubles de vasoconstrictions, les traumatismes cérébraux (AVC), un traumatisme articulaire, une opération de chirurgie" développe notre interlocuteur. "La physiopathologie de l'algodystrophie est assez mystérieuse même si on pense qu'il y aurait un phénomène génétique et qu'elle impliquerait la sensibilisation centrale. Par ailleurs, l'anxiété et l'hyperactivité semblent favoriser cette pathologie" ajoute le Dr Lévêque.

Comment guérir une algodystrophie ?

Pour espérer les meilleurs résultats possibles il est impératif de débuter rapidement le traitement. Les traitements employés pour lutter contre l'algodystrophie visent surtout à lutter contre la douleur et à favoriser le mouvement. Le premier traitement combine physiothérapie et ergothérapie chez un kinésithérapeute. "Cela permet de garder une mobilisation et conserver des amplitudes articulaires pour maintenir l'état du muscle" indique le neurochirurgien. Pour que la rééducation soit possible, il faut prescrire un traitement antalgique en parallèle (paracétamol ou anti-inflammatoires, mais aussi les corticoïdes (sous forme d'infiltrations), les bisphosphonates) et les médicaments contre les douleurs neuropathiques (gabapentine par exemple)). On recourt également à l'injection d'anesthésiants pour mettre à profit la durée où le patient ressent moins la douleur pour le rééduquer. Parmi les autres traitements proposés on retrouve :

  • La prise en charge psychologique
  • La thérapie du miroir, utilisée dans le traitement des douleurs fantômes après amputation, peut aider le patient. Si la main est atteinte, on lui propose de faire bouger sa main valide dans un miroir.
  • La TENS consiste à poser des électrodes à la surface de la zone douloureuse pour brouiller la douleur. "Malheureusement cette technique n'est pas suffisamment proposée parce que tous les médecins ne peuvent pas le prescrire" regrette le neurochirurgien.
  • La stimulation médullaire : on stimule le ganglion dorsal de la moëlle épinière qui prend en charge le membre douloureux. "On peut proposer ce traitement à partir de 6 mois d'évolution d'une douleur d'algodystrophie" précise le Dr Lévêque.
  • La kétamine est une drogue puissante qu'on utilise aujourd'hui pour soigner la dépression et qui agit dans les phénomènes d'hypersensibilisation de la douleur.

Quelles sont les séquelles d'une algodystrophie ?

"Les conséquences de l'algodystrophie sont des douleurs qui persistent, une impotence fonctionnelle (patient qui n'utilise plus sa main parce qu'elle est trop sensible par exemple) et dans les cas les plus extrême, l'amputation" indique notre expert.

Merci au Dr Marc Lévêque, neurochirurgien spécialiste de la douleur et auteur du livre "Libérons nous de la douleur".