Maladie de Charcot : premiers symptômes, espérance de vie

Maladie de Charcot : premiers symptômes, espérance de vie

Chaque jour en France, 5 personnes meurent de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou "maladie de Charcot". Cette maladie neurodégénérative entraîne un déficit moteur irréversible. Age, symptômes, hérédité, espérance de vie, traitements : comprendre la SLA.

Chaque jour en France, 5 personnes meurent de la maladie de Charcot et 5 personnes voient leur vie brisée à l'annonce du diagnostic, rappelle l'ARSLA (Association pour la Recherche sur la SLA – Maladie de Charcot) à l'occasion de la Journée internationale dédiée à cette maladie incurable le 21 juin 2023. L'ARSLA récolte les dons pour soutenir la recherche sur cette maladie qui réduit lourdement l'espérance de vie (20% des personnes atteintes vivent 5 ans ou plus après le diagnostic). La sclérose latérale amyotrophique (SLA), anciennement appelée "maladie de Charcot" (du nom du médecin qui l'a décrite au 19e siècle), est une maladie dégénérative rare qui se déclare le plus souvent entre 50 et 70 ans, un peu plus fréquemment chez les hommes. Le célèbre astrophysicien Stephen Hawking, atteint de cette pathologie, a contribué à faire parler de la SLA. En France, l'humoriste Jean-Yves Lafesse est décédé de la maladie de Charcot à l'âge de 64 ans, en 2021. C'est quoi la SLA ou maladie de Charcot ? A quel âge peut-on l'avoir ? Quel est le traitement pour la soigner ? Quelle espérance de vie ? Comment survient le décès ? Comprendre avec le Dr Pierre-François Pradat, neurologue.

Définition : c'est quoi la maladie de charcot (SLA) ?

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), est une maladie neurodégénérative (comme Alzheimer ou Parkinson) progressive qui atteint les neurones moteurs du système nerveux. "Elle est classée comme maladie "rare" mais on la considère comme la plus fréquente des maladies rares avec environ 6000 patients en France actuellement atteints. Le risque est d'1 personne sur 350 en France.  3 nouveaux cas sont diagnostiqués par jour" explique le Dr Pierre-François Pradat, neurologue et chercheur spécialiste de la SLA à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtriere (Paris). La maladie de Charcot se caractérise par un affaiblissement puis une paralysie des muscles des jambes et des bras, des muscles respiratoires, ainsi que des muscles de la déglutition et de la parole. Les fonctions intellectuelles et sensorielles ne sont habituellement pas touchées.

Quels sont les premiers symptômes de la maladie de Charcot ?

La SLA est une maladie qui peut se manifester de façon très variée. "A la différence d'un AVC, le déficit moteur dans la maladie de Charcot s'installe de façon très insidieuse et progressive ce qui explique que le diagnostic soit fait tardivement et trop tardivement (1 an à 1 an et demi)" souligne le médecin. Pour simplifier, la SLA peut se présenter sous deux formes au début :

dans 30 % des cas par la forme "bulbaire" avec une atteinte initiale des muscles de la face. Plus fréquente chez la femme, elle va se manifester par :

  • des difficultés pour articuler,
  • une modification de la voix
  • et être suivie par des problèmes pour déglutir.

"Beaucoup de patients ont erré avant de savoir qu'ils avaient une SLA"

dans 70 % des cas par la forme "spinale". Cette forme débute par

  • le déficit moteur d'un membre (perte de force, difficultés à se peigner, à serrer la main, à écrire…)
  • accompagné par une atrophie des muscles.
  • Le déficit peut commencer par toucher un membre inférieur avec des difficultés à marcher, à monter les escaliers

Rarement, la maladie peut se révéler par une insuffisance respiratoire. "Les patients arrivent en détresse respiratoire aux Urgences, ils ont constitué une défaillance respiratoire petit à petit, ils décompensent et se retrouvent en réanimation où on leur diagnostique une SLA."

Comment se déclenche la SLA ?

La maladie de Charcot se caractérise par l'altération des neurones permettant le transfert de l'ordre du mouvement. Elle touche uniquement les systèmes moteurs au niveau du cerveau, du tronc cérébral et de la moelle épinière. Elle entraîne la mort des cellules nerveuses qui permettent les mouvements des muscles volontaires, puis la paralysie. "Il y a un défaut de transmission entre le nerf et le muscle puisque les terminaisons des nerfs ont disparu et il n'y a plus d'acéthylcholine à transmettre" précise le spécialiste. Dans la maladie de Charcot, les fonctions intellectuelles sont généralement préservées "mais dans environ 10 % des cas elle est associée à une démence de type particulier appelée "démence temporo-frontale" qui se manifeste par des troubles du comportement (plus que cognitifs (mémoire, orientation))". Les aires frontales du cerveau étant impliquées dans le comportement et dans les émotions.

Quelle est l'espérance de vie avec la maladie de Charcot ?

Statistiquement, l'espérance de vie d'une personne atteinte de la SLA est d'environ 3 à 5 ans après le diagnostic mais cela ne reflète pas la grande variabilité évolutive de cette maladie. Avec l'amélioration de la prise en charge, 20% des personnes atteintes vivent 5 ans ou plus après le diagnostic, et certains peuvent vivre plus de 10 ans. Il existe aussi des formes bénignes de la maladie qui restent stables sur plus de 30 ans, mais elles sont rares.

Quelles différences avec la sclérose en plaques ?

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune, ce qui n'est pas le cas de la SLA . "Dans la cause de la SEP, il y a vraiment une inflammation du système nerveux. Dans la SLA ce n'est pas ce qui cause la maladie. On trouve de l'inflammation mais c'est un facteur d'aggravation. Il y a d'ailleurs beaucoup de médicaments à l'essai qui visent à réduire l'inflammation chez les personnes atteintes de la SLA" détaille le Dr Pradat.

Elle est héréditaire dans 10% des cas.

Quelles sont les causes de la maladie de Charcot ?

On ne connaît pas les causes exactes de la dégénérescence neuronale observée dans la SLA. "On pense qu'il s'agit d'une combinaison de facteurs de susceptibilité génétique et de facteurs environnementaux. Les facteurs environnementaux n'ont pas été individualisés avec certitude à cette date car la maladie est rare mais il pourrait d'agir de facteurs toxiques, de pollution, de mauvaises habitudes de vie ou encore de traumatismes répétés. Un risque accru avait été rapporté chez les footballeurs professionnels italiens, peut-être chez les joueurs qui font souvent des "têtes", mais cela reste controversé. Nous n'avons pas retrouvé d'augmentation de risque dans une étude récente que nous avons publiée et qui portait sur des joueurs professionnel français" explique le Dr Pradat. Même si on ne connait pas la cause, on on en sait maintenant beaucoup plus sur les perturbations biologiques, comme un niveau trop élevé de glutamate (un "messager" qui intervient dans la transmission des messages nerveux.

Est-ce une maladie héréditaire ?

"Elle est héréditaire dans 10% des cas" répond notre interlocuteur. La recherche médicale est parvenue à identifier les gènes impliqués dans les formes familiales et des médicaments ciblant certains de ces gènes sont en cours de développement. La transmission de la maladie de Charcot n'est pas liée au sexe : "Père ou mère peuvent la transmettre de la même façon" poursuit le spécialiste. Quant aux formes non familiales (90 % des cas), des facteurs de susceptibilité génétique ont été repérés.

maladie de charcot
Schéma de l'impact de la maladie de Charcot sur la contraction des muscles © blueringmedia - 123RF

Comment diagnostiquer la maladie de Charcot ?

La pose du diagnostic de la maladie de la Charcot est long, "1 an à 1 an et demi" relate le Dr Pradat "ce qui limite l'efficacité des traitements à venir". "Quand une personne consulte, on va évoquer d'autres diagnostics avant, plus fréquents. Beaucoup de patients ont erré avant de savoir qu'ils avaient une SLA. C'est quand le déficit s'aggrave que le médecin traitant envoie vers le neurologue qui va envoyer vers un centre expert de référence sur le SLA. La France a été un modèle dans la création de centres de référence pour les maladies rares ce qui a permis de beaucoup mieux prendre en charge les patients." Pour poser le diagnostic :

► le neurologue observe la présence d'une série de signes cliniques évocateurs,

► ensuite, l'examen le plus important est l'électromyogramme : "On va tester les nerfs moteurs et voir s'il y a une dénervation c'est-à-dire une perte en nerf moteur puis on va faire tout un bilan avec des IRM qui vont permettre de voir s'il n'y a pas d'autres causes pouvant expliquer les symptômes du patient : une tumeur, un processus vasculaire…"

Il n'y a pas (encore) de biomarqueurs dans la maladie de Charcot "mais c'est en développement et je pense qu'on va arriver à en avoir comme dans la maladie d'Alzheimer" s'enthousiasme le médecin.

Quels sont les traitements de la maladie de Charcot ?

Il n'y a pas de traitement curatif de la maladie de Charcot. Les traitements visent à soulager les symptômes : "Par exemple, la ventilation au masque en cas d'insuffisance respiratoire, le contrôle des troubles nutritionnels via la gastrostomie. C'est tout le bénéfice des centres experts qui ont permis d'allonger la survie et d'améliorer la qualité de vie des patients" témoigne le Dr Pradat. "Il y a un intérêt pour la médecine personnalisée comme les mécanismes biologiques sont différents. L'enjeu est de trouver des traitements qui correspondent à une certaine catégorie de patients et individualisés pour chacun. Les neurosciences ont encore du retard par rapport à la cancérologie, mais on va vers des traitements de plus en plus personnalisés." A date :

► Des médicaments peuvent être prescrits comme des antalgiques contre les douleurs, des laxatifs contre les troubles du transit...

► Un accompagnement psychologique, des séances de kinésithérapie, de rééducation et/ou d'orthophonie peuvent aider les malades à maintenir la souplesse des muscles, et à conserver leur autonomie et leur capacité à communiquer le plus longtemps possible.

Il y a des SLA et non une seule SLA.

► Une prise en charge médico-sociale et la mise en place d'aides techniques sont aussi indispensables.

Le seul médicament approuvé en Europe pour les personnes atteintes de SLA est le riluzole. Il diminue le taux de glutamate, ce messager nerveux qui se trouve peut-être en trop grande quantité chez les personnes atteintes de SLA. Il est en général prescrit dès que la maladie est suspectée. "Il permet un allongement de la survie certes modeste mais qui existe", confirme le médecin. Beaucoup de médicaments sont par ailleurs en développement.

Aux Etats-Unis, la FDA (Agence américaine du médicament) a approuvé en 2017 l'Edaravone ( antioxydant développé pour le traitement des AVC). Il n' a pas été autorisé en Europe mais dispose en France d'une ATU (Autorisation Temporaire d'Utilisation). Dans le cadre de l'ATU, le médicament Radicut® (edaravone) est soumis à prescription hospitalière. "Seuls les neurologues hospitaliers et les pharmaciens exerçant dans un établissement de santé public ou privé peuvent respectivement le prescrire et le dispenser" a informé l'ANSM en 2020. "Le médicament ralentirait au mieux de 30% la progression de maladie, c'est un effet très modeste et les contraintes de son administration par des perfusions intraveineuses répétées font qu'en pratique il n'est prescrit que de façon exceptionnelle et seulement s'il y a une forte demande du patient" explique le médecin.

Il y a par ailleurs, en France, des essais en cours sur les thérapies géniques (pour les formes familiales avec gène identifié) avec le médicament Tofersen qui pourrait ralentir la maladie. Il est important de rappeler qu'il ne concerne qu'un très faible nombre de patients qui sont porteurs d'une anomalie génétique très rare touchant un gène appelé SOD1 et que ce traitement ne vise pas à guerir la maladie mais la ralentir.

► Les cellules souches sont aussi une piste thérapeutique envisagée "mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir" précise notre interlocuteur.

Comment évolue la maladie de Charcot ?

Le déficit moteur lié à la SLA est irréversible mais "c'est une maladie très hétérogène, insiste notre interlocuteur. Il y a des mécanismes différents au sein de cette maladie. Il y a des SLA et non pas une seule SLA. Et heureusement il y a aussi des formes lentes". La maladie de Charcot évolue à un rythme différent d'une personne atteinte à l'autre sans qu'il ne soit possible de prévoir cette durée d'évolution. Il semble que la forme à début bulbaire évolue plus vite. La personne atteinte peut présenter des symptômes divers d'évolution progressive qui s'étendent au fur et à mesure :

  • des crampes musculaires,
  • des difficultés à la mobilisation, évoluant vers la paralysie,
  • une diminution de la masse musculaire, appelée amyotrophie,
  • un ralentissement des mouvements,
  • des difficultés à la parole et à la déglutition
  • des troubles respiratoires

Comment meurt-on de la maladie de Charcot ?

La cause principale de décès des personnes atteintes de la maladie de Charcot est l'insuffisance respiratoire (à cause de la paralysie du diaphragme) ou une infection respiratoire, souvent les deux. C'est une spécificité de cette maladie. A la différence de la maladie de Parkinson ou d'Alzheimer, elle atteint le système respiratoire, un système indispensable pour vivre d'où sa moindre espérance de vie.

Merci au Dr Pierre-François Pradat, neurologue et chercheur spécialiste de la SLA à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtriere (Paris).