Leucodystrophie : symptômes, quelle espérance de vie ?

Les leucodystrophies sont des maladies génétiques graves affectant les fibres nerveuses du cerveau. Elles peuvent se développer à tous les âges de la vie. Définition, symptômes et conséquences avec Odile Boespflug-Tanguy, neuropédiatre-neurogénéticienne.

Leucodystrophie : symptômes, quelle espérance de vie ?
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Les leucodystrophies sont des maladies mises en lumière par l'Association ELA, Association Européenne contre les Leucodystrophies. Ces maladies génétiques graves affectent les fibres nerveuses du cerveau.  Selon les chiffres de l'association ELA, 3 à 6 enfants naissent chaque semaine en France atteints de leucodystrophie, 20 à 40 en Europe.

Définition : que sont les leucodystrophies ?

"Les leucodystrophies sont des maladies génétiques qui touchent la substance blanche du cerveau. C'est par là que passent toutes les informations véhiculées par les nerfs et qui viennent, elles, de la substance grise, cette partie du cerveau où est générée l'information. Les fibres nerveuses traversent la substance blanche où se trouvent aussi les cellules ouvrières du cerveau, les cellules gliales. Les leucodystrophies sont liées à une atteinte de ces cellules ouvrières dont le rôle est d'optimiser le fonctionnement des fibres nerveuses. Les cellules gliales (oligodendrocytes) qui synthétisent et maintiennent la gaine de myéline, qui entourent certaines fibres nerveuses, sont les plus fragiles. Les conséquences sur l'énergie nécessaire à la propagation de l'influx nerveux font toutes la gravité des leucodystrophies", développe la Pr. Odile Boespflug-Tanguy. Les leucodystrophies sont considérées comme des maladies rares.

Quels sont les symptômes  d'une leucodystrophie ?

La maladie peut se développer à tous les âges de la vie. "Chez certains enfants c'est durant la période néonatale, voire même anténatale que les symptômes apparaissent. Pour certaines leucodystrophies, ces symptômes apparaissent à un âge très tardif au-delà de 60 ans. Il n'y a pas d'âge préférentiel dans l'apparition des symptômes mais les leucodystrophies les plus sévères et les plus connues sont celles qui atteignent les jeunes enfants", explique la neurogénéticienne. Les symptômes sont très présents chez les jeunes enfants, car c'est le moment de la vie où les gaines de myéline se développent très activement. "La gaine de myéline, atteinte dans les leucodystrophies, est constituée de lipides. Elle entoure les nerfs pour leur permettre de fonctionner plus vite, être plus efficaces et plus énergiques. Lors des apprentissages et jusqu'au début de l'âge adulte, on fabrique de la myéline dès qu'on apprend quelque chose selon un programme très précis". Ainsi, chez les plus petits, les troubles sont avant tout moteurs, les enfants n'apprennent pas à marcher, à se tenir assis, à tenir leur tête ou perdent les apprentissages acquis. Plus on vieillit plus les symptômes initiaux sont émotionnels et cognitifs. "Cela peut commencer par des difficultés scolaires ou au travail. Les troubles moteurs n'apparaissent qu'au cours de l'évolution de la maladie", note Odile Boespflug-Tanguy.

Quelle est la cause d'une leucodystrophie ?  

Les leucodystrophies sont des maladies génétiques qui présentent différentes formes de transmission :

  • La forme récessive autosomique : la maladie est transmise par chacun des parents, porteur d'une faiblesse génétique (mutation) sur un seul de leur patrimoine génétique (ADN). L'enfant est malade parce qu'il porte cette faiblesse sur les deux patrimoines génétiques maternel et paternel. Ces formes sont les plus fréquentes.
  • Anomalie du chromosome X : plusieurs leucodystrophies sont liées à des anomalies sur le chromosome X. Les hommes porteurs sont malades car ils n'ont qu'un seul chromosome X, les femmes ne sont pas malades ou peu malades car elles compensent avec leur deuxième chromosome X. Elles sont dites "transmettrices ou porteuses".  
  • La forme dominante : L'un des deux parents est malade mais présente peu de symptômes. La maladie peut se transmettre à l'un des enfants qui exprimera des symptômes plus importants. Cette variabilité dans l'expressivité de la maladie rend le diagnostic et le pronostic de ces formes souvent difficiles .
  • La mutation de novo : un enfant présente une anomalie génétique alors qu'aucun des deux parents n'est porteur de l'anomalie dans l'analyse de leur sang. L'anomalie génétique s'est créé lors de la fabrication des spermatozoïdes ou des ovules qui entraîne un brassage et un remaniement important du patrimoine génétique.

"Beaucoup de patients sont suivis pour des troubles psychiatriques alors qu'en réalité il s'agit d'une leucodystrophie qui débute"

Comment est posé le diagnostic de la leucodystrophie ?

Le diagnostic est posé en général sur l'IRM cérébrale qui permet de montrer des anomalies du signal normal de la substance blanche. "A partir du moment où le signal est anormal, le spécialiste doit d'abord déterminer si l'origine de ce signal est génétique. Et si oui, si cette anomalie génétique a d'abord atteint la substance blanche et précisément les cellules gliales", développe la professeure de génétique médicale. Chez l'adulte, les leucodystrophies sont mal identifiées car difficiles à diagnostiquer au milieu des nombreuses maladies non génétiques de la substance blanche. "C'est le cas pour les maladies inflammatoires comme la sclérose en plaque ou vasculaires du système nerveux..." précise-t-elle. Et puisque chez l'adolescent et l'adulte les symptômes sont d'abord cognitifs et émotionnels, "beaucoup de patients sont suivis pour des troubles psychiatriques alors qu'en réalité il s'agit d'une leucodystrophie qui débute". Le dépistage précoce est particulièrement déterminant dans ces maladies car certaines peuvent bénéficier d'un conseil génétique avec diagnostic anténatal ou d'un traitement spécifique. "Quand on découvre une leucodystrophie chez un patient, on procède toujours à une enquête familiale pour vérifier s'il y a un risque qu'un autre membre de la famille soit à risque de porter ou transmettre la maladie." Certaines leucodystrophies peuvent progresser à toute vitesse et détruire rapidement toute la substance blanche alors que des traitements préventifs de cette dégradation peuvent exister. "Dans ces situations, nous nous préoccupons de dépister dans la famille des enfants porteurs de l'anomalie génétique avant qu'il ne développe la maladie. Car l'important est de dépister la maladie le plus tôt possible, dès les premiers troubles moteurs chez les tout-petits, les troubles des apprentissages et cognitifs chez les adultes".

Quel est le traitement d'une leucodystrophie ?

"Pour un grand nombre de cas , il n'y a pas encore de traitement spécifique mais la prise en charge est clef. Elle doit être précoce pour retarder au maximum les conséquences de la maladie et adaptée en permanence aux difficultés de la vie quotidienne au sein de la famille comme de l'école  ou sur le lieu de travail" reconnaît Odile Boespflug-Tanguy. La thérapie génique, qui suscite beaucoup d'espoirs, est un traitement récent préventif de la dégradation du patient dans certaines formes de leucodystrophies avec dysfonctionnement du métabolisme des cellules gliales de la substance blanche "Il s'agit de remplacer le gêne malade par un gêne normal dans des cellules souches du sang (cellules souches hématopoïétiques) qui vont progressivement aller coloniser le cerveau. C'est donc un processus long pour que le métabolisme du cerveau soit amélioré, en moyenne un an. Le patient doit donc avoir très peu de symptômes et une maladie qui a peu évolué pour observer un bénéfice. Ce traitement n'est donc efficace que si la maladie est dépistée très tôt, voire même avant l'apparition des symptômes".  

Quelle est l'espérance de vie de la leucodystrophie ?

L'espérance de vie dépend de la forme de la leucodystrophie. "Elle peut être mortelle dans un délai très court, moins d'un an chez le très jeune enfant. D'autres formes sont très lentes : la durée de vie n'est pas compromise mais l'handicap sévère s'aggrave avec le temps. Dans ces formes lentes, les symptômes de la grande majorité des malades s'aggravent à la sortie de l'adolescence", détaille la spécialiste.

Qui contacter pour se faire aider ?

Merci au professeur Odile BOESPFLUG-TANGUY, neuropédiatre-neurogénéticienne à l'AP-HP, Coordinatrice du Centre de Référence Maladies Rares "LeukoFrance"