Eugénisme : définition, exemple, interdit ?

Favorisant la reproduction des "meilleures lignées", l'eugénisme vise à améliorer l'espèce humaine par le contrôle des naissances. Est-ce autorisé ? Quels sont les dangers de telles principes ? Les explications du Pr. Jean-Louis Wemeau, membre de l'Académie nationale de médecine.

Eugénisme : définition, exemple, interdit ?
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Quelle est la définition de l'eugénisme ?

Ce terme a été créée en 1883 par le scientifique anglais Francis Galton (jeune cousin de Darwin) pour désigner les recherches permettant d'améliorer "les qualités héréditaires" des humains par le contrôle de la procréation. Il préconise ainsi l'amélioration du patrimoine génétique humain en sélectionnant les géniteurs, mais aussi en interrompant des grossesses, voire en interdisant la reproduction des personnes considérées comme inférieures.

Un exemple d'eugénisme ?

Sous le 3ème Reich, lorsque les nazis ont pris le pouvoir en Allemagne en 1933, un ensemble de loi vise à autoriser la stérilisation contrainte de personnes jugées inférieures (maladie mentale, malformation congénitale grave, alcoolisme…) et promeut la fécondation de personnes jugées "supérieures" afin de créer une élite humaine. Cette politique s'est également traduite par l'euthanasie des enfants nés handicapés. Environ 400 000 personnes auraient été stérilisées dans le cadre de ce programme entre 1933 et 1945. Mais ce concept "d'hygiène raciale" avait été inventé bien avant le nazisme, puisque Hitler s'était fortement inspiré des principes de Henry Ford aux États Unis.

Qu'est-ce que l'eugénisme positif ?

On parle "d'eugénisme positif" lorsqu'il s'inscrit dans un objectif d'amélioration de la race humaine, destiné à favoriser la fécondité de personnes considérées comme physiquement ou moralement supérieures. "Une telle idée, déjà évoquée par Platon, avait aussi été envisagée au début du XIXème siècle par divers scientifiques (comme en France Alexis Carrel, Charles Richet, tous deux prix Nobel de médecine), précise le Pr. Wemeau. Le conseil génétique, délivré à titre individuel et auquel nul n'est tenu, ne saurait être considéré comme une pratique eugénique".

Quels pays pratiquent l'eugénisme ?

Peu de pays dans le monde pratiquent l'eugénisme. A ce jour, seuls la Chine et Singapour ont promulgué une loi eugéniste à la fin du 20ème siècle : "la loi pour la protection de la mère et de l'enfant", destinée à "améliorer la qualité de la population". Elle est entrée en vigueur le 1er juin 1995. Elle impose un examen prénuptial et prévoit que les personnes porteuses d'une maladie infectieuse, d'un trouble mental ou de maladies génétiques ne pourront avoir le droit d'avoir un enfant. Ils doivent également s'engager à se faire stériliser ou à se faire avorter en cas de grossesse.

"Il contribue au risque de réduction de la diversité génétique"

L'eugénisme est-il interdit en France ?

L'eugénisme est une pratique interdite en France. L'article 16-4 al 2 du code civil est, sur cette notion, catégorique : "Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite". "En 2000, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne l'a aussi interdite", indique le Pr. Wemeau. 

Quels sont les dangers de l'eugénisme ?

"L'eugénisme réduit les individus à leur hérédité, explique le Pr. Wemeau. Il instrumentalise les enfants à naître comme les objets de la satisfaction de parents ou de sociétés. Il contribue au risque de réduction de la diversité génétique, fondement de l'humanité".

Merci au Pr. Jean-Louis Wemeau, membre de l'Académie nationale de médecine.