Maman poule : quels sont les risques d'une surprotection maternelle ?

Couver ses enfants à outrance et trop longtemps n'est pas sans conséquences pour notre progéniture. Le point avec le pédopsychiatre Stéphane Clerget.

Maman poule : quels sont les risques d'une surprotection maternelle ?
© 123RF / Evgeny Atamanenko

Quand on parle de mère poule, cela renvoie à l'image d'une poule couvant ses œufs, c'est-à-dire "une mère surprotectrice au sens où elle couve trop fréquemment et trop longtemps en terme d'âge ses enfants" décrypte le pédopsychiatre Stéphane Clerget, auteur de nombreux ouvrages dont "Ados : le décodeur" (éditions Leduc.s). Ainsi, à l'inverse de la mère hirondelle qui met ses oisillons hors du nid dès qu'ils sont suffisamment emplumés afin qu'ils prennent leur envol, la maman poule retarde leur essor

Qu'est-ce qui caractérise une mère poule ?

Vous avez tendance à devancer les désirs de votre enfant, désamorcer les conflits avant même qu'ils n'aient lieu, céder à ses volontés pour lui épargner toute frustration, et rechignez à le laisser jouer au parc, partir dormir chez un copain ou aller seul à l'école lorsqu'il est en âge de le faire ? Il est probable que vous soyez un brin mère poule sur les bords. "A ces éléments s'ajoutent souvent une inquiétude permanente et injustifiée sur ce qui pourrait arriver à l'enfant à chaque fois qu'il fait preuve d'autonomie" précise Stéphane Clerget. D'ailleurs, que cette angoisse soit exprimée ou simplement ressentie, l'enfant absorbe les émotions de sa mère.

Pourquoi devient-on une mère surprotectrice ?

Parmi les principales causes d'un comportement surprotecteur, il y a :

  • L'angoisse et particulièrement la peur que son enfant meurt ou qu'il se détache de nous en grandissant. 
  • Le manque d'expérience influe aussi sur cette surprotection maternelle. D'ailleurs, on lâche plus souvent de lest au petit dernier alors même qu'on était maman poule avec l'aîné. La raison est simple : étant moins stressée et plus expérimentée, on est moins sur son dos. 
  • Les modèles que l'on a eu peuvent aussi jouer un rôle sur ce comportement "mère poule". Ainsi, ceux qui ont été élevés par un parent surprotecteur auront tendance à reproduire ce schéma. A l'inverse, en cas de carence durant l'enfance, certains tombent dans une surprotection extrême pour s'assurer que leur progéniture ne manque de rien.
  • Le perfectionnisme aussi peut conduire à une surprotection : on en fait trop en pensant bien faire.

Néanmoins, toute la responsabilité ne revient pas forcément au parent précise le pédopsychiatre : "malins, certains enfants trouvent que l'occasion est trop belle et en jouent pour garder leur parent pour eux tout seul".

Mère surprotectrice : quelles conséquences à l'âge adulte ?

Etre trop mère poule limite notre enfant dans son autonomie en l'empêchant de faire ses propres expériences, de prendre des initiatives. Or, à force, il risque de ne pas développer certaines compétences - motrices ou psychiques - comme la curiosité intellectuelle ou en craignant d'aller vers les autres. Les plus rebelles vont tout de même s'y risquer malgré leur anxiété, transmise par leurs parents, tout en ayant le sentiment que le monde est dangereux et qu'ils doivent constamment rester sur leurs gardes. L'enfant aura aussi plus de mal à gérer les conflits et la frustration, voire se mettre chouiner au moindre bobo ou contrariété. De même, il pourra manquer de confiance en lui, pensant que si ses parents font les choses pour lui, c'est qu'il n'en est pas capable. Résultat : il aura encore moins envie d'oser. De même, il arrive que ce comportement surprotecteur engendre chez l'enfant un syndrome d'hyperactivité, une forme de Tdha réactionnelle à l'environnement : "pour tenter de se libérer de sa mère continuellement sur son dos et anxieuse, il se montre très agité, opposant et hyperactif... Ce qui risque hélas de conduire à davantage de contrôle maternel pour tenter de le canaliser" alerte Stéphane Clerget. 

Toutefois, on peut grandir avec une maman poule sans qu'il y ait forcément de conséquences néfastes rassure-t-il."N'étant ni dupes, ni complices, l'enfant peut s'appuyer sur sa personnalité et sur les autres membres de sa famille pour parvenir à s'autonomiser, à s'émanciper". Dans ce cas, il a appris à se protéger des angoisses de sa mère tout en conservant le bon côté des choses : elle est là pour lui en cas de besoin. D'ailleurs, comme le souligne le pédopsychiatre, "il arrive fréquemment que le parent poule se détache naturellement lorsqu'il considère que l'enfant est assez grand ou parce qu'il va s'attacher à l'enfant suivant". Ce comportement ne dure donc pas forcément tout au long de la vie de l'enfant. Et puis, "une mère-poule qui travaille ou dont l'enfant est à l'école, cela porte généralement peu à conséquences" dédramatise-t-il. En somme, il aura juste un rab de câlins le soir et quelques recommandations de trop.

Comment parvenir à trouver un équilibre plus sain ?

Notre rôle en tant que parents est de protéger notre enfant de véritables risques, le nourrir, prendre soin de lui et le réconforter quand il pleure. Cependant, avertit Stéphane Clerget "le danger de la critique des mères-poules est qu'elles tombent dans l'excès inverse en devenant trop autonomisantes et du coup insécurisantes". Les tout-petits ont évidemment besoin d'un cocon protecteur et d'une présence physique quasi-permanente, puis, progressivement, on se détache à mesure où l'enfant s'autonomise, apprend à marcher par lui-même, à exprimer ses désirs. Le moment est alors venu de le laisser prendre des initiatives, de le féliciter, de l'encourager... Et de prendre sur soi : inutile de s'alarmer s'il n'y a pas de vrais dangers.

Vers 2 ou 3 ans, il commence à vouloir monter sur le toboggan ou escalader un banc ? On l'en empêche pas, mais on reste à ses côtés pour le rassurer et évidemment le rattraper en cas de chute. On lui désigne aussi ce qu'il peut ou ne peut pas faire en fonction de son âge. En somme, on agit comme un filet de soutien qui le protège au besoin et non comme un mur l'empêchant d'avancer. 

Important aussi : déléguer davantage à l'autre parent ou aux grands-parents pour parvenir à lâcher prise, à prendre du recul.

Enfin, le pédopsychiatre vous propose de faire un bilan : est-ce que votre bambin dort bien ? Grandit bien ? Apprend bien ? Son développement psychomoteur est-il normal ? Se sent-il heureux, bien dans sa peau ? Si vous avez répondu "oui" à tout, alors tout va bien. En revanche, si à 6 ans, il n'ose toujours pas monter à vélo, aller se baigner, s'endormir seul après un câlin et une histoire ou fond en larmes à chaque fois que vous vous absentez, il va sans doute falloir opérer quelques ajustements qui s’avéreront bénéfiques pour lui comme pour vous.

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