Cancer et causes psychologiques : quel lien, que faire ?

Même si personne ne peut affirmer avec certitude l'influence des facteurs psychologiques sur l'apparition d'un cancer, la plupart des patients cherchent à donner du sens à ce qui leur arrive. Anne Brédart, psycho-oncologue à l'Institut Curie, nous aide à démêler le vrai du faux.

Cancer et causes psychologiques : quel lien, que faire ?
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Quel est le lien entre le cancer et la psychologie ? 

Pour les médecins pratiquant la médecine psychosomatique, le cancer n'apparaît jamais tout à fait par hasard, l'histoire personnelle du patient intervenant dans le processus de la maladie. Pour ces praticiens, le cancer est la conséquence d'un conflit psychologique violent, non exprimé et vécu la plupart du temps dans l'isolement le plus total. Ainsi, le fait de ne pas exprimer ses souffrances, de chercher à masquer ses faiblesses et de se trouver dans un état dépressif chronique favoriserait la survenue de cancer. Pourtant, il n'existe actuellement pas de consensus affirmant le rôle favorisant du stress sur l'évolution du cancer, bien que plusieurs études aient été menées à ce sujet. Relier uniquement l'apparition du cancer aux fragilités psychologiques risque d'entraîner certaines personnes à interrompre les traitements préconisés et pour d'autres, se laisser entraîner vers des personnes qui pourraient les pousser à arrêter les méthodes de la médecine traditionnelle, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes. Autrement dit, le cancer peut générer un stress chez les sujets atteints de cancer mais le stress ne peut pas provoquer de cancer.

Est-ce que le stress peut provoquer un cancer ?

Aucune étude scientifique n'a mis en évidence un lien de cause à effet entre le stress ou certains traits de personnalité et le développement d'un cancer. "C'est surtout une démarche psychologique du patient, une réaction normale de vouloir trouver une cause à tout ce qui nous arrive. La personne à qui l'on vient de diagnostiquer un cancer va se demander "d'où ça vient ?", "pourquoi ça m'arrive à moi ?" et pour donner du sens au mal qui la frappe, elle va chercher des explications "c'est à cause des conflits dans ma famille", "j'ai subi un stress professionnel". C'est donc davantage une réaction psychologique. En revanche, il est possible qu'une personne qui travaillait énormément par exemple ait ignoré les symptômes qu'elle présentait, qu'elle ait tardé à aller voir un médecin, auquel cas la situation se révèle plus grave et que cela génère un stress. Mais un processus physiologique entre un facteur de stress et le développement d'un cancer n'est pas démontré. Il peut y en avoir pour d'autres types de maladies mais pas pour le cancer", indique Anne Brédart. 

Quels sont les cancers favorisés par le stress ?

En 2011, une étude se basant sur deux méta-analyses a réuni toutes les données disponibles concernant le lien entre stress et cancer du sein. Si la première (Petticrew, 1999) n'a pas démontré de lien de cause à effet, la seconde (Duijts, 2003) a mis en évidence une association entre le cancer du sein et les événements de vie stressants. Selon une autre méta-analyse parue en 2013, aucun lien n'a pu être établi entre le niveau de stress au travail et le risque de développer un cancer du sein, de la prostate, du poumon et colorectal. En revanche, certains milieux professionnels exposés à des substances cancérogènes peuvent favoriser la survenue de certains cancers (peau, poumon). Autrement dit, les études sur le sujet ne permettent pas d'affirmer que certains types de cancers seraient favorisés par le stress.

Qui sont les personnes les plus à risque ?

"Il existe bel et bien des facteurs qui provoquent le cancer comme le tabagisme, la consommation d'alcool, le manque d'activité physique, les UV, le surpoids ou l'obésité. Mais il n'y a pas de personne plus à risque que d'autres de développer un cancer d'un point de vue psychologique", nuance la psycho-oncologue. Dans un article intitulé "Existe-t-il un lien entre un événement psychique et le risque de survenue d'un cancer ?", publié en 2009 dans la Revue d'Épidémiologie et de Santé Publique, le Professeur Simon Schraub passait en revue toutes les études ayant été faites dans le monde sur la question. Le médecin était arrivé à la conclusion que l'on ne pouvait pas conclure que des événements de vie stressants, des facteurs de la personnalité ou une déception jouent un rôle sur le développement du cancer.

Quelles sont les répercussions psychologiques d'un cancer ? 

"Le fait de développer un cancer constitue un choc important pour la personne et peut avoir un énorme impact psychologique. C'est une confrontation à l'idée de mort, une maladie potentiellement fatale car même si beaucoup de cancers guérissent, le risque est là et l'annonce de la maladie crée un grand choc émotionnel. Les changements corporels ne sont pas faciles à accepter, les traitements ne sont pas faciles à surmonter, ils peuvent provoquer de nombreux désagréments, des atteintes au niveau de l'image du corps et de la fatigue", développe la spécialiste.

Quand et qui consulter ?

Il est nécessaire de consulter un psychologue lorsque le stress a un retentissement sur la vie quotidienne. Car si le stress n'augmente pas le risque de cancer, il favorise de nombreuses autres maladies dont les pathologies cardiovasculaires, digestives, l'asthme, les affections cutanées (psoriasis, eczéma, herpès), les troubles digestifs, la maladie de Crohn ou encore la fibromyalgie. Des techniques de relaxation comme la sophrologie, la méditation ou le yoga pourront être recommandées en complément. 

Merci à Anne Brédart, psycho-oncologue à l'Institut Curie